D’après les données du consortium IRD-Université de N’Djaména, les 16 septembre 2020 et 2022, le niveau des eaux des fleuves à l’échelle de N’Djaména était respectivement de 484 et 532 centimètres. À la date anniversaire en 2024, le seuil est de 656 centimètres, soit une augmentation de 124 centimètres, donc 1,24 mètres en comparaison avec la situation d’il y a 2 ans jour pour jour.
La montée des eaux au niveau des fleuves Chari et Logone, sur l’ensemble du territoire tchadien, et particulièrement dans et aux abords de la ville de N’Djaména, inquiète, et à raison au regard des différentes projections rendues publiques ces derniers temps. Ce phénomène naturel, renforcé par l’action de l’homme qui dégrade au jour le jour l’environnement, entre dans le registre des effets du changement climatique. Au stade actuel, le phénomène est irréversible.
S’il y a un commentaire à faire sur la situation, cela devrait s’inscrire dans le cadre du « secours et de la protection civile » (à apporter aux populations affectées), qui consistent en une série d’actions à mener par les pouvoirs publics, leurs partenaires et les populations elles-mêmes, en vue de limiter les pertes en vies humaines et les dégâts matériels qui s’observent, malheureusement, en pareilles circonstances.
Pour assurer efficacement ces deux opérations, des interrogations préalables s’imposent : Quels sont les quartiers dont les populations, exposées aux débordements des eaux, devraient être délocalisées ? Quelles sont les mesures à prendre afin que les services essentiels (hôpitaux/centres de santé, marchés et écoles) puissent être opérationnels, surtout les structures sanitaires qui seront submergées par des patients, notamment les enfants, atteints de pathologies liées à l’eau impure ? Quels sont les besoins essentiels à intégrer dans les assistances en nature à apporter aux sinistrés ? C’est vers ce genre de réflexions qu’on devrait désormais se pencher. Les pouvoirs publics devraient communiquer dans ce sens car eux seuls détiennent les données et devraient dicter la conduite à tenir aux populations désemparées.
Aussi, il serait impératif de tirer les leçons du dispositif de secours/assistance déployé en 2022 : Qu’est-ce qui a marché ? Qu’est-ce qui n’a pas marché ? Le nombre de sinistrés sera plus élevé face à des moyens de prise en charge limités. Quels sont les établissements scolaires qui pourraient servir de cadres de relocalisation des ménages sinistrés ? En plus de cette catégorie, quels autres types d’édifices, publics et/ou privés, pourraient être réquisitionnés ? Quels sont les sites qui pourraient servir de cadre à l’implantation des abris ? Des réponses à ces différentes questions pourraient aider les pouvoirs publics en charge de la question à éviter les situations déplorables observées en 2022, notamment la colonisation du cimetière de Koundoul par des ménages sinistrés, bafouant ainsi leur dignité.
En pareil circonstance, tous les esprits sont focalisés sur la cité-capitale N’Djaména alors que la situation déplorable sévit sur l’ensemble du territoire national. Dans ce contexte, comment accompagner les autres provinces et notamment les zones rurales qui subissent également les affres des inondations ?
La prise en charge sanitaire constitue un autre front délicat dans cette situation. Les structures sanitaires seront débordées. Dans ce contexte, la capacité d’intervention du secteur sanitaire devrait être améliorée en termes de ressources humaines additionnelles, constituées de volontaires/bénévoles, de renforcement de stocks de médicaments, etc.
La résilience des populations devrait être de mise, empreinte de solidarité et d’entraide dans les opérations d’évacuation et de subsistance dans des conditions difficiles.
La prise en charge des sinistrés portera sur l’hébergement des membres de la famille et la conservation des effets précieux et facilement dégradables. La chaîne de solidarité à mettre en œuvre pourrait impliquer par ordre de préférence les familles des sinistrés, les familles issues de leurs communautés, cercles d’amis et professionnels. Ces catégories pourraient, en fonction de leur disponibilité, libérer chambres et/ou espaces, pour accueillir quelques membres d’une famille et/ou leurs effets. Le résultat escompté sera de réduire le nombre de sinistrés à prendre en charge par les pouvoirs publics et leurs partenaires.
Les différents acteurs, restés silencieux jusqu’à présent, notamment certaines communautés ethniques et religieuses, devraient s’impliquer et venir en appui aux pouvoirs publics dans cette opération de secours de grande ampleur.
Que Dieu veille sur chaque établissement humain du Tchad et les familles qui s’y trouvent en cette période éprouvante !
Tob-Ro N’Dilbé, Maître de Conférences en Géographie urbaine et urbanisme,
Enseignant-Chercheur-Consultant, Université Adam Barka d’Abéché, Coordonnateur de l’Observatoire Virtuel des Inondations au Tchad (OVIT).