L’on ne récolte que ce que l’on sème. A force de donner des coups de boutoirs à l’appareil judiciaire (pour rappel, les membres de la cour d’appel qui devaient connaître le contentieux électoral lors de la première présidentielle ont reçu des enveloppes ainsi que l’a révélé l’ancien président du syndicat des magistrats (Smt), Abdoulaye Cheikh lors des états généraux de la justice), le pouvoir a fini par le vider de son essence comme beaucoup d’autres secteurs de l’administration publique.
Le président de la République, Idriss Deby Itno, lors de la 4ème conférence des gouverneurs tenue à Abeché, a clairement avoué que «la justice tchadienne est un échec». Echec en ce que, plus personne ne croit aux décisions rendues au nom du peuple Tchadien. C’est dire que le régulateur de la société Tchadienne n’existe plus. En témoigne la chamaillerie entre le garde des sceaux et les magistrats, chacun accusant l’autre de pratiques peu orthodoxes.
Des pratiques peu orthodoxes, il y’en a de quoi faire un livre. Entre les salons feutrés et coins de restaurants connus comme des lieux où sont scellés les procès, la figure des intermédiaires connus de tout le palais de justice comme des porteurs de valises pour faire pencher la balance de la justice d’un côté, des avocats qui excellent plus dans le marchandage que les plaidoiries, la veuve et l’orphelin ne savent à quel saint se vouer. Comme l’avouent la chancellerie et le corps judiciaire, la catégorisation des citoyens devant les tribunaux est la preuve, n’en déplaise au président de la République, que l’Etat de droit est en vacances !!!!
Il y’a quelques mois, une note anonyme sur la course à l’enrichissement illicite dans le milieu des avocats citant nommément certains et leurs modes opératoires a semé un sérieux malaise au sein de l’ordre. Mais en privé, la majorité des avocats admet que les affirmations du corbeau sont avérées.
Chez les magistrats, en dehors de l’aveu de corruption du président du Smt, Abdoulaye Cheikh lors des états généraux en 2004, le nombre de juges radiés pour indélicatesse ces dernières années témoigne de l’ampleur de la corruption qui, il faut le reconnaitre n’est pas le propre du milieu judiciaire.
Cependant, à cause de sa sensibilité, le moindre dérèglement fait perdre à l’appareil judiciaire son équilibre qui est indispensable à la paix sociale. Parce qu’il a cédé aux sirènes de l’argent, parce que pour mieux terroriser les acteurs judiciaires, le chef de l’Etat n’a pas hésité à radier des juges courageux comme Emmanuel Dékeumbé qui ont refusé de jouer le jeu d’une cabale politique, la justice est aujourd’hui une institution sans crédibilité où deux syndicats de magistrats s’affrontent à distance, les uns défendent une cause, les autres l’exact contraire.
Le résultat est la propension à se rendre justice soi-même quand on ne peut défier l’autorité du juge comme l’a fait l’officier condamné jeudi dernier. Ceci parce que le garant et les acteurs de la justice se sont fourvoyés, chacun à divers niveaux. C’est la raison pour laquelle nous disons que dans le corps judiciaire, il n’y a (presque) point de justes !
La Rédaction