La ville d’Abéché a abrité le 03 octobre dernier, le conseil des ministres délocalisé et la 4ème édition de la conférence des gouverneurs. Les deux rencontres étaient essentiellement axées sur les questions sécuritaires, dans un contexte marqué par des affrontements intercommunautaires, sur fond de crise de confiance entre les administrés et l’administration Déby qui, par sa gestion partisane et son amateurisme a manifestement failli.
Tour à tour, devant les ministres ensuite les gouverneurs, le chef de l’Etat a fait tourner son disque rayé, passant en revue les problèmes qui minent le vivre ensemble dont la dia qui prime sur les lois de la République et fait écran à une justice en panne, la défaillance de l’administration dans la prévention et la gestion des conflits, etc. «Il ne sera plus jamais question pour un meurtrier d’échapper à la sanction pénale juste parce que sa communauté s’est acquitté de la Dia. Cette pratique est par essence antirépublicaine, car elle anesthésie l’action publique par un simple arrangement intercommunautaire» a tranché net le président de la République pour qui, cette pratique est profondément injuste en ce qu’elle fait une discrimination entre les citoyens, permettant au meurtrier aisé d’échapper à une peine pénale et d’envoyer en prison celui qui est incapable de payer le prix du sang. Pourtant, défenseurs des droits de l’homme, médias, hommes politique…n’ont eu de cesse de dénoncer le caractère inconstitutionnel et dangereux pour la paix sociale de cette pratique coutumière. Mais fidèle à sa logique du «le chien aboie, la caravane passe», Idriss Déby a laissé pourrir la situation au point où le Tchad est assis aujourd’hui sur un volcan qui risque de cracher sa lave à tout moment. Des administrateurs civils et militaires nommés par le président de la République ont activement contribué au vu et au su de tout le monde, à répandre la pratique de la dia en l’imposant aux communautés en conflits, au grand dam de la justice, sans que le chef de l’Etat ne lève le petit doigt. Les cas les plus patents concernent Mahamat Béchir Chérif, ancien gouverneur du Logone occidental et son préfet Djasnan Djiondi qui ont arraché une cinquantaine de bœufs aux paysans l’an dernier.
C’est seulement maintenant qu’Idriss Déby reconnait que les gouverneurs, censés être «les incarnations locales de l’État versent dans des pratiques contraires à l’éthique administrative et insultantes pour le prestige de leurs fonctions (…) pour des motifs bassement matériels qui contribuent à alimenter les conflits communautaires». Là encore, la sincérité des propos du président de la République est à prendre avec des pincettes pour ceux qui se souviennent de l’affaire Adam Nouky Charfadine. Cet ex-gouverneur de la région du Logone qui, étant en désaccord avec une décision de justice acquittant Oumarou Magadi, un présumé chef des coupeurs de route, n’a trouvé rien de mieux à faire que d’ordonner aux gendarmes de canarder Magadi et son avocat au sortir de la maison d’arrêt, à bord d’un véhicule. Mais face à la gravité de cet acte posé, il a fallu que les professionnels de la justice entrent en grève pour contraindre Déby à relever le gouverneur de ses fonctions pour qu’il réponde de ses actes. Condamné lourdement en première instance, il verra sa peine considérablement allégée en appel. Quelques mois, le revoilà nommé gouverneur par un chef d’Etat qui veut «asseoir les bases d’une administration saine, efficace et efficiente au service de la collectivité».
Le même Idriss Déby reproche à la justice tchadienne d’avoir perdu son âme et sa crédibilité par son laxisme, les libérations illégales, le manque de fermeté, l’absence d’objectivité et l’appât du gain alors qu’elle devrait être «la régulatrice attitrée des rapports sociaux à travers son pouvoir constitutionnel d’institution chargée d’appliquer les lois et règlements de la République». Mais cette situation de décrépitude de l’appareil judiciaire est aussi imputable à l’exécutif qui fait tout pour le mettre sous sa coupe mais assez pour restaurer sa crédibilité.
Cette chienlit que le Tchad vit en ce moment n’est que la conséquence logique de la gouvernance du régime Déby.
La rédaction