Comprendre la colère
Ainsi, le cinquième mandat du chef de l’Etat, Idriss Déby Itno a commencé, comme il s’est achevé. Dans une atmosphère tendue entre opposition et majorité sur fond de lâchages, trahisons et coups bas.
L’évidence est là. Idriss Déby Itno présidera aux destinées du Tchad d’ici 2021 et d’ici là, il a promis faire, améliorer, ajuster ce qu’il n’a pu réaliser depuis le temps. A sa décharge, le chef de l’Etat dit que c’est seulement sur les cinq dernières années que le Tchad «a su engranger les dividendes de cette paix précieuse qui nous fuyait depuis des décennies» et qu’il faille vaille que vaille préserver. Ce à quoi, tout patriote ne peut qu’adhérer.
Ce que le chef de l’Etat n’a pas assez pointé, ce sont les causes de ce qui est apparu quelques jours avant l’investiture comme un risque insurrectionnel à cause des manifestations de l’opposition menées essentiellement par une jeunesse souvent, désœuvrée qui cherche à prendre sa revanche.
A les entendre, ces jeunes qui se sont exprimés largement pendant la campagne électorale n’attendent que les promesses soient tenues. Promesse de justice face à l’emploi, d’égalité de tous devant la loi, de sécurité et de liberté. Choses qui ont souvent manqué comme l’a reconnu le chef de l’état lui-même. «J’ai conscience de vos espoirs déçus» a reconnu le chef de l’Etat. Ces espoirs déçus, ce sont plus de 20 milliards de FCFA distribués pour promouvoir l’auto-emploi et dont on peine à mesurer l’impact, ce sont des milliards prélevés à titre d’impôts pour la jeunesse et le sport alors que paradoxalement, les deux secteurs avancent inéluctablement vers les abysses et leurs fossoyeurs bénéficient d’une impunité sans pareille. Ces espoirs déçus, ce sont aussi l’absence d’offre de formation, de débouchés alors que le pays dispose d’un potentiel jusque-là inexploité en grande partie.
Ce sont donc ces manquements qu’il faut corriger et non pas privilégier la violence et la répression alors qu’il n’y a pas péril en la demeure. Ce qui s’est passé à quelques jours de l’investiture dénote d’une faute politique. Le pouvoir qui dispose des moyens d’Etat n’a pas su contenir et gérer dans la sérénité ce qui aurait pu passer comme une voix discordante donnant au moins, l’impression d’un pays où le contradictoire existe, où l’opposition s’oppose et la majorité gouverne. L’impressionnant dispositif sécuritaro-militaire, les courses poursuites ayant malheureusement débouché à la mort d’un compatriote ont, hélas, entaché le début d’un quinquennat qui s’annonce difficile. Savoir gérer une colère somme toute légitime ne sera que bénéfique pour la paix et la concorde nationale. Plus qu’un souhait, c’est un impératif politique.
La Rédaction