Le président et directeur général d’International Rescue Committee (Irc), David Miliband a fait ce mercredi 10 juillet 2019 une déclaration à New-York après ses visites conjointes au Tchad et au Cameroun du 1er au 5 juillet 2019 dernier pour constater la crise humanitaire. Il ressort de son constat que les multiples fronts de conflit, les déplacements croissants et la pauvreté sont de plus en plus alarmants notamment sous l’effet du changement climatique.
Après ses visites au Tchad puis au Cameroun, le président directeur général de l’Irc dresse un tableau sombre de la situation humanitaires dans ces pays. « Dans la région du Lac Tchad, la vie et les moyens de subsistance de 10 millions de personnes sont menacés par cette nouvelle réalité. 4,5 millions de personnes sont maintenant déplacées dans la région, qui se réchauffe 1,5 fois plus vite que le taux mondial. Au Tchad, où 87% de la population rurale vit sous le seuil de pauvreté, la sécheresse croissante et le stress lié à la faible disponibilité des ressources laissent une personne sur quatre en situation d’insécurité alimentaire et multiplient les menaces de violence », remarque le Pdg de l’Irc qui précise que les besoins humanitaires n’ont jamais été si grands au Cameroun. « Alors que le pays est aux prises avec deux urgences simultanées : un conflit naissant dans le nord-ouest et le sud-ouest et une hausse de la violence extrémiste dans le Nord », ajoute-t-il.
Selon lui, en dépit des efforts de ces pays pour répondre aux différents défis, des besoins sont sans cesse croissants. « Les tendances en matière de violence ne font qu’empirer : les décès de deux collègues de l’Irc au Niger et au Nigéria le mois dernier en sont la preuve », déplore M. David Miliband.
Au Tchad,rien qu’en janvier, plus 40 000 réfugiés et personnes déplacées internes ont fui Boko-Haram dans le Lac. « Dans l’extrême nord du Cameroun, deuxième pays le plus touché par Boko-Haram, j’ai rencontré quelques-unes des 500 000 personnes déplacées qui vivent coincés depuis trois ans entre deux réalités. Les conflits au nord-ouest et au sud-ouest favorisent une crise de déplacement la plus rapide en Afrique. 1 800 civils ont déjà été tués, un demi-million de personnes déplacées et 700 000 enfants empêchés d’aller à l’école », relève-t-il.
Sans un changement radical dans la dynamique de politique interne camerounaise, prévient-il, une guerre civile généralisée est malheureusement à l’horizon.
« Le climat d’insécurité croissant dans la région va de pair avec le changement climatique qui augmente la faim et la malnutrition à des niveaux extrêmes. Dans le Guéra – où le niveau de malnutrition parmi les enfants de moins de cinq ans est bien au-delà du seuil d’urgence de l’Organisation Mondiale de la Santé », le Pdg de l’Irc se réjouit du travail vital de son institution dans la lutte contre ce fléau. Il annonce que 80% des 50 millions d’enfants souffrant de malnutrition aiguë dans le monde n’ont pas accès au traitement, confrontés au stress climatique et aux fronts de conflit grandissants. Pour sortir de cette situation peu reluisante, il estime que la communauté internationale doit fournir des efforts conjoints dans l’aide humanitaire. « Malgré le désespoir grandissant tant au Cameroun qu’au Tchad, aucune des demandes de financement de l’Onu pour ces deux pays n’atteint 25% et le Cameroun reste le moins financé en Afrique. La région du lac Tchad reste l’une des crises humanitaires les plus graves du monde. Relever ces défis nécessite également une stratégie intégrée et transfrontalière pour répondre aux besoins fondamentaux tout en promouvant la stabilisation, la gouvernance et la consolidation de la paix », renchérit David Miliband.
Nécessité de financer des projets des femmes et les filles
Le Pdg d’Irc explique que sans l’implication des femmes et de filles, le développement est quasi impossible pour ces deux pays. Selon une analyse de l’IRC les services de lutte contre la violence basée sur le genre recevaient en moyenne 0,12% de tous les financements humanitaires.Pour relever ce défi et concrétiser la vision énoncée dans les Odd d’égalité des sexes, de croissance inclusive et de travail décent pour tous, il note que les bailleurs doivent s’engager à augmenter de manière significative le financement et les stratégies globales visant à l’autosuffisance et à l’indépendance économique des femmes. « Enfin, aucun progrès ne sera possible sans reconnaître et répondre aux besoins spécifiques des femmes et des filles. Au Cameroun et au Tchad, ainsi que dans d’autres contextes fragiles, les femmes et les filles sont placées les plus loin derrière vis-à-vis de tous les indicateurs des objectifs de développement durable :à cause de qui elles sont et de là où elles sont nées », ajoute-t-il.
Stanyslas Asnan