C’est donc la première fois, ce 22 mars 2019 que l’armée tchadienne essuie une débâcle devant les islamistes de Boko Haram. Les faits pas suffisamment détaillés indiquent selon nos sources que le détachement de l’armée déployé sur ce bras du Lac Tchad était composé d’homme en opération depuis très longtemps et qui étaient en sous-effectif (autour de 70) face à un ennemi visiblement renseigné et en surnombre (autour de 400). Le bilan est lourd, 23 soldats tués, 4 blessés, du matériel militaire emporté et surtout… aucun corps de djihadiste retrouvé.
L’affront est tel que le chef de l’Etat a dû limoger le chef d’état-major général des armées et ses deux adjoints. Ils ont été remplacés par un trio de baroudeur dont la hargne au combat n’est plus à démontrer. Même si au sein de l’appareil sécuritaire on reproche au général de corps d’armée Brahim Mahamat Seid d’être devenu inefficace parce que resté trop longtemps en poste (6 ans), son limogeage n’est pas une solution. Ce qui est à revoir, c’est la gouvernance de la grande muette qui, à l’image du pays, est gérée de manière peu orthodoxe. Le recours à l’aviation française en février dernier, la débâcle de Dangdalia démontrent si besoin est qu’au sein de l’armée « la plus puissante d’Afrique » qui combat le terrorisme international sans discontinuer depuis 2012, tout ne tourne pas rond. En effet, avec des soldats fatigués parce que en opération depuis de longues années sans aucune relève, parfois obligés de rester de longs mois sans percevoir leurs soldes, il ne fallait pas s’attendre à autre chose. Même les braves casques bleus, utilisés comme boucliers en première ligne de front dans le désert malien ont été obligés de brûler des bérets bleus pour percevoir leurs indemnités alors que leurs collègues des autres pays, moins exposés sont largement mieux lotis.
On ne reviendra pas ici sur les discriminations dans les nominations et la distribution des avantages. Dieu sait le nombre de sous-officiers et officiers qui triment depuis des années avec le même grade alors que de nouveaux venus sont parachutés ou plutôt bombardés aux plus hautes fonctions. Que dire de ces sans grades, obligés de faire du auto-stop pour aller pointer leur présence et rentrer chez eux ?
Une telle armée, malgré toute la bonne volonté des hommes qui la composent ne mènera pas large pendant longtemps. Ce qu’il faut, c’est de revenir aux fondamentaux. Rétablir comme dans les autres secteurs de la vie publique la justice sociale pour redonner au soldat tchadien l’envie de porter haut les couleurs de ce pays que ses anciens ont porté à Koufra, Strasbourg, Paris, Matenssara avant les montagnes des ifoghas. Sans quoi, « l’armée la plus puissante d’Afrique » risque de se transformer en une troupe de caudillos mis en déroute par des djihadistes, visiblement mieux entrainés que lors des précédentes campagnes. Ce qui remettra sérieusement en cause le rôle de verrou qu’on attribue à notre pays.
La Rédaction