Nadjo Kaïna, la grosse fatigue
Le leader du mouvement citoyen Iyina (nous sommes fatigués) a fini par être fatigué par le pouvoir qu’il combattait et a décidé de l’aider. C’est sans doute l’image de la semaine qui s’achève.
Celle d’un Nadjo Kaïna et son compagnon, Bertrand Solo Ngandjé entourant la première dame du Tchad avec qui, ils venaient de s’entretenir pendant plus d’une heure.
L’ancien leader estudiantin devenu farouche opposant au régime est porteur d’un projet de sensibilisation sur le vivre ensemble et la cohabitation pacifique et est venu prendre conseil auprès de l’épouse du chef de l’Etat. Voilà pour la version officielle.
Dans l’opinion, c’est l’image d’une nouvelle prise de guerre par le pouvoir même si, admettons-le, il n’a jamais été question dans les faits rapportés par les services de presse de la présidence, d’un ralliement ou d’une allégeance politique. Mais çà en a tout l’air. Un activiste ou homme politique de l’opposition qui rejoint les rangs du pouvoir ou la mangeoire. Rien de bien nouveau pour qui sait qu’à la base, le jeune leader était une fabrication du système dont il s’en est affranchit. C’est ce qui explique la hargne avec laquelle il avait été traité par les services pendant ses années de lutte. Finalement, «Nadjo rentre seulement à la maison », serait-on tenté de dire.
L’autre élément est l’apparition chez le jeune leader des signes d’un embourgeoisement qui est à l’origine de remous à l’intérieur du mouvement qu’il dirige depuis plusieurs mois. La signature par Nadjo et son compagnon Bertrand d’une tribune, il y’a quelques mois, dans un média international, rejetant le recours aux armes n’avait pas été apprécié par leurs camarades. Tout comme ses nombreux voyages à l‘étranger dont les raisons et les retombées n’ont jamais été présentés à la base, ont alimenté le malaise au sein du mouvement. De ce point de vue, Iyina n’est pas une particularité dans le milieu de la société civile où la bonne gouvernance n’est pas la vertu la mieux partagée.
Ce qui est sûr, c’est que l’audience du 23 octobre va faire des dégâts politiques dans le milieu de la jeunesse qui s’est identifiée à des figures comme Nadjo en qui, elle avait vu une alternative aux partis politiques neutralisés par un système complètement fermé. Plus difficile sera la tâche pour la nouvelle figure qui cherchera à faire croire à la jeunesse qu’il ne fera pas comme le porte-parole de Iyina. En cela, le pouvoir vient de marquer un grand coup. Il vient de récupérer un pion important de la contestation qui sait beaucoup de choses.
La dure réalité de la lutte politique est qu’on n’y entre pas la tête et les poches vides. A cela s’ajoute cette fine analyse d’un bon connaisseur du marigot politique Tchadien, « ici, si vous vous intéressez à la politique, il faut avoir le cœur bien accroché ». C’est la leçon de la semaine.
La Rédaction