Billet : Moi, Abdoulahab Oumarou, enfant du camp de Dar-es Salam
A l’occasion de la journée de l’enfant africain, votre hebdomadaire s’est mis dans la tête d’un enfant réfugié du site de Dar-Es-Salam aux portes de Baga Sola. Nous avons essayé de traduire ce qu’il aurait dit si on lui demandait de raconter son histoire. Ceci est une fiction.
Je suis Abdoulahab Oumarou, je suis âgé de 12 ans. Je vis actuellement dans les camps des réfugiés fuyant les atrocités barbares de la secte islamistes Boko Haram au Nigéria. Nous étions avec mon père et ma mère et mes trois frères à Baga Kawa, un village nigérian situé sur les rives du Lac Tchad.Tard dans la nuit, des coups de feu retentissent, des femmes et enfants pleurent. Les gens accourent de partout. C’est le sauve qui peut. Ils étaient à motos et incendiaient les maisons, des femmes et jeunes filles sont violées, d’autres kidnappées. C’est le spectacle macabre que les éléments de BokoHaram ont offert dans le village. Mon père et mes frères ont tenté de résister, ils ont d’abord tué mes frères et ma mère en leur assénant plusieurs coups de couteaux au ventre. Mon père était égorgé puis notre maison incendiée. J’ai eu la vie sauve parce que mon père a réussi à me cacher dans une fosse septique abandonné juste au lieu du carnage. J’ai tout vu tout ce qui s’était passé. J’avais eu peur en marchant sur des cadavres qui jonchaient au sol. Je pataugeais dans le sang humain comme si c’était la fin du monde. Le ciel nigérian s’obscurcie ce jour-là face à l’horreur que je suis incapable d’empêcher. C’est l’opprobre de mon pays.Et la joie, la paix, la sécurité et la confiance ont cédé la place à la désolation, au chaos, au cynisme, à l’oppression et l’amertume.
Aujourd’hui,le sol tchadien m’a accueilli sans père ni mère. Moins encore sans frère ni sœur, seul dans cet univers à cause de ceux qui ont combattu au nom d’Allah. Ils ont torturé et tué des hommes, violé les filles et les femmes, laissant des milliers d’enfants dans un océan de douleur sans un sauveur qui nous sortira de ce joug de Boko haram. Des enfants deviennent des orphelins de circonstance par la force de chose. Ils dorment avec la mort. L’avenir des enfants nigérians sont hypothéqués. La faim, les maladies, la tristesse et la soif sont le lot quotidien des enfants qui sont blessés dans leur amour, dans leur cœur et dans leur conscience. Ils vivent dans une psychose généralisée où leur avenir est hypothéqué à cause des intérêts égoïstes des hommes.
Au jour le jour, le nombre des victimes ne cesse d’augmenter. Pendant que les Etats tergiversent pour adopter une position commune pour combattre cette secte, où ils sont vautrés dans les pièges d’intérêts politiques, militaires et diplomatiques, la situation des enfants se détériore. Les droits à l’éducation, à la santé, à la sécurité et à l’alimentation des enfants sont bafoués comme si Dieu aquitté le ciel nigérian.Les enfants sont un mouroir où personne ne peut délivrer les enfants face aux traits enflammés de la souffrance imposée par Boko haram. Conséquence, l’ombre du sens de la dignité de la personne humaine qui plane sur les populations n’est qu’une invention de pure flatterie. Il est temps que les enfants s’affirment. Car, leur vie et leur famille ne sont pas sous les tentes ni dans les camps. Ils ont droit à avoir de familles, des maisons, à être dans les salles de classes et les bibliothèques, à jouer et se divertir dans les ludothécaires et les terrains de football. C’est en cela que la vie prend son sens. C’est aussi là le sens de vivre librement et dignement en tant qu’enfant et être humain doté de la raison et de l’intelligence.
Bishop Asnan Non-Doum Saturnin