Politique

« Cette proposition de loi va permettre de lutter contre la délinquance financière, la corruption… »

« Cette proposition de loi va permettre de lutter contre la délinquance financière, la corruption… » 1

« Cette proposition de loi va permettre de lutter contre la délinquance financière, la corruption… »

Le député Dr Jacques Laouhingamaye, rapporteur général de la commission politique générale, institutions, lois, affaires administratives et judiciaires à l’Assemblée nationale a initié une proposition de loi portant lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme au Tchad.

Cette proposition de loi, soumise à l’adoption de l’Assemblée le 1er juin dernier n’a pas été adoptée. Mais, elle sera remise sur la table de l’hémicycle à la session d’octobre. L’auteur de ce projet de texte s’explique dans cette interview.

Qu’est-ce qui vous a motivé à initier une telle proposition de loi ?

Deux raisons fondamentales m’ont conduit à initier cette proposition de loi. La première est liée à l’existence dans notre pays  des indices potentiels susceptibles de faciliter l’activité de blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.  En effet, son étendue géographique avec six pays frontaliers, le caractère informel dominant de son économie, la prédominance de la monnaie fiduciaire dans les transactions, la sous-administration du territoire sont un potentiel indubitable pouvant constituer un terrain de prédilection pour le blanchiment des capitaux. La deuxième concerne des situations qui, si on n’y prend pas garde, risqueraient de favoriser des pratiques illicites pouvant contribuer à alimenter les actes constitutifs de blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Il s’agit entre autres de pression démographique, la pression exercée sur l’environnement, la pauvreté, chômage des jeunes, les tensions internes, les faiblesses institutionnelles et l’insuffisance des infrastructures sociales et économiques. Ces facteurs constituent un ferment qui contribue au trafic de stupéfiants et d’armes, à la pratique des activités criminelles, à une radicalisation et à un extrémisme violent, à la traite des êtres humains et au trafic de migrants, à certains types de fraudes fiscales qui sont autant des éléments de la pratique de blanchiment des capitaux.

Comment peut-on débusquer et déterminer les infractions de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme ? Le Tchad disposera-t-il des moyens conséquents pour l’application de ce texte?

Pour débusquer les auteurs du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme, les banques et d’autres établissements financiers seront fortement impliqués. De même, l’Agence nationale d’investigation financière (Anif) jouera un rôle incontournable dans la recherche des éléments de preuve et de conviction pour déloger ces auteurs, pourvu qu’elle soit bien organisée et dotée des moyens conséquents pour accomplir cette mission. Peut-être avec l’adoption de cette proposition de loi, le gouvernement mettrait à contribution l’Anif pour traquer les auteurs du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme.

Ainsi, l’Anif et les établissements financiers doivent se doter des dispositions efficaces contre ces pratiques. Par exemple, le gouvernement peut exiger à chaque banque d’inclure dans sa directive, l’identification de ses clients et de leurs activités depuis leur entrée en relation avec elle ensuite, la surveillance particulière de certaines opérations suspectées et la conservation des pièces y afférentes. L’Anif, quant à elle,  se chargera de collecter ou de recevoir, d’analyser des déclarations auxquelles sont tenues les personnes physiques ou morales, qui dans le cadre de leur profession, réalisent, contrôlent ou conseillent des opérations entraînant des dépôts, des échanges, des placements, des conversions ou tout autre mouvement de capitaux. 

En quoi cette loi sera différente des cadres juridiques existants en matière de répression du terrorisme, loi N°34 du 5 août 2015) ?

L’objectif n’est pas de proposer une loi qui doit être différente des instruments juridiques existants. Il existait déjà des instruments juridiques en matière de répression des actes terroristes, notamment la loi n°34/PR/2015 du 05 Août 2015, portant répression des actes de terrorisme, adoptée dans des conditions exceptionnelles où les terroristes ont frappé la capitale,  causant d’énormes pertes humaines. Dans une telle atmosphère, beaucoup d’aspects peuvent être perdus de vue dans la conception et l’élaboration de cette loi. Même si ce n’était pas le cas, le phénomène terroriste évolue très vite et de 2015 à 2018,  beaucoup de concepts ont évolué créant des infractions nouvelles. Il est important  de renforcer le dispositif juridique existant pour l’adapter au contexte du moment. Cette proposition vient d’abord renforcer les acquis juridiques, puis apporter des mesures supplémentaires visant à prévenir, combattre et réprimer efficacement ces deux infractions dans notre pays.

 Propos recueillis par Guidjindandi Djono