Plus rien ne sera comme avant
Historique ! Du jamais vu ! Les qualificatifs les plus élogieux ont fusé lundi soir alors que le gouvernement se démenait à désamorcer la grève, libérant ici les manifestants arrêtés le matin de la journée sans transport, inondant les médias d’une communication, plutôt bien élaborée, selon laquelle dans quelques jours, le prix du carburant à la pompe va baisser.
Il a fini par obtenir gain de cause. La journée de mardi ne sera pas « sans transports» comme annoncé et le gouvernement et les sécurocrates ont pu pousser un «ouf ! » de soulagement. Trêve de courte durée puisque qu’ils devront affronter ce jeudi, une autre paire de manche, la marche citoyenne contre les mesures d’austérités. Le gouvernement qui a argué l’insuffisance de forces de l’ordre pour encadrer les marches dans les dix arrondissements de la ville a fini par retrouver son reflexe premier, interdire la marche. Ce que certaines associations à l’initiative de cette marche entendent braver. D’autres sont rentrés dans les rangs…
Que la marche de ce jeudi 25 janvier ait lieu ou pas, plus rien de sera comme avant. Les Tchadiens, longtemps traités d’apathiques, de léthargiques et de nonchalants ont montré le 22 janvier 2017 qu’ils savent se lever et marcher. La fébrilité observée au sein de l’appareil gouvernemental ce jour là est la preuve que la peur a changé de camp, elle est en face. D’où le sms signé « gouvernement » qui a été envoyé par les opérateurs de téléphonie mobile à tous leurs abonnés. La notification de l’interdiction par ce procédé a provoqué sarcasme et en même temps appuyé fortement la sensibilisation en faveur des organisateurs de la marche.
Les raisons de cette peur ? Cette population qui a longtemps accepté sans broncher les violations de ses droits a montré lundi qu’elle n’en peut plus. Comme les noirs américains pendant la lutte contre la ségrégation sous le leadership du Pasteur Martin Luther King, les N’Djaménois ont marché joyeusement lundi sans s’en prendre aux conducteurs de transports en commun qui les ont contraintes à cet exercice inhabituel.
Dans un contexte économique difficile où il aura du mal à tenir ses engagements, le pouvoir gagnerait à privilégier le dialogue et la négociation plutôt que de vouloir procéder à la hussarde pour faire passer des décisions impopulaires. Surtout que rien ne garantit que les mesures dites d’austérité ne permettront de remettre à flot une économie dont le mal principal n’est pas la conjoncture international comme on veut le faire croire mais plutôt la mal gouvernance.
Le pouvoir a tout intérêt à percevoir avec intelligence ces signaux qui sont l’expression d’un ras-le-bol généralisé. S’enfermer dans une logique répressive, c’est danser contre l’air du temps. Les tirs de grenades lacrymogène ou à balles réelles n’ont plus des effets dissuasifs comme on l’a constaté lundi pendant les manifestations spontanés des lycéens, les morts dans les manifestations ne resteront pas impunis dans ce monde de plus en plus ouvert et mondialisé. Il faut entendre raison c’est-à-dire écouter son peuple. Surtout quand celui-ci décide de ne plus se laisser faire.
La Rédaction