La bêtise politique
Ce qui s’est passé le week-end dernier aux portes de Moundou a un nom : une bêtise politique. Au nom de ce que le ministre de la sécurité publique Ahmat Mahamat Bâchir appelle maintien de l’ordre, un convoi de chefs des partis politiques d’opposition bloqué aux portes de Moundou par des gendarmes et policiers alors qu’ils venaient dans cette ville pour rendre visite à leur collègue, Laoukein Kourayo Médard, embastillé depuis le 13 juillet 2017.
Parmi eux, un ancien ministre des affaires étrangères, un ancien ministre de l’intérieur et un ancien ministre des sports, coupable d’avoir « donné un coup de boxe» pendant l’algarade avec la police, à un élément des forces de l’ordre, arrêté avant d’être relâché. Mahamat Adoum, président du parti national républicain, c’est de lui qu’il s’agit, est sous le coup d’une poursuite judiciaire…
Ces images montrent, si besoin est, le visage de plus en plus hideux que prend ce qui tient lieu de démocratie depuis déjà plus d’une dizaine d’années et donne raison à ceux qui n’ont eu de cesse d’attirer l’attention sur ce glissement dangereux. Ce sont les journalistes, les leaders de la société civile et les partis politiques de l’opposition. Mais souvent, leurs mises en garde ont reçu en échos, menaces, railleries quand ce ne sont pas des mesures de rétorsions les plus viles. Affectations sanctions, obstruction à leurs activités, interdiction de promotion sont le lot de ceux qui, pour une raison ou une autre ont choisi de ne pas être d’accords avec le système Mps. Insidieusement, le parti à l’oriflamme guerrière a fini par remplir ses rangs de ce qu’il convient d’appeler des « prises de guerre». Ce sont ces cadres qui, contre leur gré mais tenaillés par la faim, ont fini par se rendre à l’évidence qu’il vaut mieux ranger les grands principes au placard au risque de passer à côté de toute opportunité.
Sous un regard emporté d’inespérance, on en est arrivé à un unanimisme qui équivaut à la dictature. Ceux qui ne sont pas d’accords sont traités de tous les noms d’oiseaux voire d’apatrides pour avoir simplement osé se servir de leur liberté d’expression pourtant garantie par la constitution.
Avec un parti au pouvoir absent sur le terrain du débat démocratique, un gouvernement à l’initiative que quand il s’agit de réprimer et qui ferme aux voix discordantes l’accès aux médias publics… On retrouve les ingrédients d’un régime anti démocratique qui confisque l’un après l’autre les espaces de libertés qu’il a semblé avoir donnés.
Ce faisant, le système qui dirige le Tchad s’est installé dans l’hypocrisie et tous les autres vices qu’il génère. «C’est le laisser-aller général » lance sous cape un ponte du régime qui admet à demi-mot que le système n’a plus rien à proposer. Et comme tout empire s’autodétruit après son apogée, ce qui se passe actuellement en a tout l’air.
A quelques semaines de la table-ronde de Paris où, selon toute vraisemblance, la communauté internationale devra voler au secours du Tchad pour le financement de son plan national de développement, les amis du pays ou ceux qui se présentent comme tel doivent saisir l’occasion pour rappeler à l’ordre et sauver ce qui peut encore l’être. Sans beaucoup d’optimisme…
La Rédaction