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Cybersouveraineté Nationale: quels sont les risques que court la Souveraineté numérique nationale des actifs immatériels de Esso, filiale du géant ExxonMobil

Cybersouveraineté Nationale: quels sont les risques que court la Souveraineté numérique nationale des actifs immatériels de Esso, filiale du géant ExxonMobil 1

Le 31 mars 2023, le Tchad a promulgué la loi N°003/PR/2023 Portant nationalisation de tous les actifs et tous les droits de toute nature des Sociétés Esso Exploration and Production Chad Inc. et Esso Pipeline Investments Limited (et de toute entité venant à leurs droits) au Tchad. Dans un décryptage, le consultant et enseignant en Technique de l’information et de la communication (Tic), Francis Beninga Deouro  revient sur les risques que court la Souveraineté numérique nationale des actifs immatériels de Esso, filiale du géant ExxonMobil

On a certes, gagné la bataille en souveraineté d’Etat mais avons-nous pris des dispositions nécessaires pour la souveraineté numérique. Le terme souveraineté est souvent associé à une « souveraineté d’état » ou de « nation ». La souveraineté est la qualité de l’Etat de n’être obligé ou déterminé que par sa propre volonté, mais cette disposition change de nature avec le contexte du Cyberespace.

Les actifs de Esso nationalisés dont il est question sont d’ordre matériel, installés sur le territoire national. Or les actifs immatériels qui représentent en moyenne plus de la moitié de la valeur d’une entreprise ne sont pas sur le territoire national. Ce sont les données pétrolières collectées, les données administratives et financières, les logiciels, bases de données, systèmes de gestion intégrée (Sgi ou Erp) dont seul Esso est propriétaire des licences d’exploitation, tous sont détenus par la filiale du major pétrolier ExxonMobil dans son centre de données sur le territoire américain ou sur le Cloud.

Toutes les opérations de production et de gestion administratives et financières sont pilotées pratiquement depuis ces centres loin du Tchad et sans se tromper, les transactions effectuées entre le cédant et le cessionnaire tiennent compte de tous ces aspects.

Qu’est ce qui pourra arriver au cas où ces actifs immatériels et précieux ne sont pas nationalisés c’est-à-dire rapatriés sur le territoire national ? On se pose aujourd’hui la question sur l’industrie pétrolière et sur bon nombre d’autres sujets de la souveraineté numérique de nos Etats. A-t-on la capacité de maitriser tous les actifs immatériels, le stockage des données, sur l’opération des différents réseaux industriels, la maitrise des capteurs sur le champ pétrolier, le contrôle de la multiplication des IoT (Internet of Things) mis en circulation etc. ?

Au-delà de la bataille judiciaire qui s’annonce, généralement soumis à l’arbitrage international, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (Ccja) d’Abidjan en Côte d’Ivoire par exemple mais dans ce cas précis, elle devrait dépendre de la Cour d’arbitrage internationale la Chambre de commerce internationale (Cci) de Paris qui d’ailleurs trouvera certes une solution mais sur une longue durée, entre temps les actifs immatériels risquent d’être exploiter à d’autre fins ou bien les licences vont s’expirer.

Nous pensons que les dispositions nationales de la cybersécurité annoncées sont prises dans cette situation de nationalisation des actifs de Esso.

Le centre de données (en anglais datacenter ou datacentre), ou centre informatique est un lieu et un service où sont regroupés les équipements constituants d’un système d’information, stockées les données. Ce regroupement permet de faciliter la sécurisation, la gestion et la maintenance des équipements et des données stockées.

Dans mon livre « CybersecuriTchad, Vers la définition des outils de l’Ecosystème Cybernétique au Tchad, Etat des Lieux et Panorama de la Cybersécurité et de la Cybercriminalité », Editions de Midi, Janvier 2023, nous avons évoqué que « Le cyberespace a produit et bouleversé les notions de la Souveraineté de l’usager, la Souveraineté du réseau et la Souveraineté des États ». La Souveraineté numérique désigne,  « la capacité de l’État à agir dans le cyberespace, à le réguler et à peser sur l’économie numérique ». Parfois appelée cybersouveraineté, elle est l’application des principes de souveraineté au domaine des technologies de l’information et de la communication, c’est-à-dire à l’informatique et aux télécommunications. La notion de souveraineté des données est l’idée selon laquelle une nation devrait rester en contrôle de ses propres donnés en les stockant sur son propre territoire.