Le Tchad a annoncé semaine dernière la nationalisation de tous les actifs d’Esso Tchad, une ex-filiale du géant américain des hydrocarbures ExxonMobil dont le gouvernement conteste la vente récente à une compagnie britannique. Savannah Energy PLC, s’est insurgée dans un communiqué contre ce qu’elle considère comme « une violation directe des conventions internationales » et d’un arbitrage récent en sa faveur de la Chambre internationale de commerce de Paris puis annonce son intention de poursuivre l’Etat tchadien. Ces actifs seront rachétés par Sopetrans connu comme marqueteur des produits pétroliers au Tchad. Cette situation va emmener la redaction à s’entretenir avec Oumar Ali Fadoul, Expert en économie pétrolière qui repond à nos questions
Le gouvernement a annoncé la nationalisation des actifs de tous les actifs de Esso au Tchad, quelle est votre première impression ?
Personnellement j’étais surpris et inquiet en même temps dans la mesure où le Tchad est lié à Esso par une convention qui définit clairement les mesures à prendre en cas de litige ou différend entre les parties et aucun des textes réglementaires ne prévoit une nationalisation des actifs des compagnies privés exerçant dans le domaine du pétrole.
Comment peut-on expliquer en termes clairs cette situation, c’est une nationalisation des actifs ou une vente des actifs ?
Pour mieux comprendre cette situation on doit se référer aux motifs invoqués par le gouvernement pour nationaliser les actifs d’Esso. Esso avait vendu ses actifs à Savannah Energy, une entreprise anglaise. Le gouvernement évoque comme principal argument pour la nationalisation, qu’il n’a pas donné son aval pour la vente des actifs d’Esso et met en même temps, les doutes sur les capacités techniques et financières de Savannah. Esso avait notifié au gouvernement de son intention de vendre ses actifs et avait présenté Savannah. Le gouvernement avait pris note mais n’avait pas formellement émis une objection. Les négociations entre Esso et Savannah ont pris un peu plus d’une année pour aboutir au rachat des actifs d’Esso par Savannah en décembre 2022. C’est à la fin des négociations entre Esso et Savannah matérialisée par le transfert effectif des actifs avec la présence de l’équipe de Savannah sur le terrain que le gouvernement remet en cause cette transaction en invoquant les motifs cités ci-haut. Esso fera savoir au gouvernement qu’elle avait notifié au gouvernement son intention qu’en vertu de la convention qui le lie au gouvernement, ce dernier a 60 jours pour donner son avis, passé ce délai, on considère que le gouvernement n’a pas d’objection. En ce qui concerne les capacités technique et financière de Savannah, le gouvernement qui met en doute la capacité financière de Savannah avait signé avec celle un autre projet d’envergure dans le domaine de l’énergie d’une capacité 500 MW pour dire que le gouvernement s’est assuré de sa capacité financière pour signer un tel contrat. Sur le plan technique, Savannah a fait ses preuves sur le terrain en augmentant la production de 9%. Ce que Esso n’a pas pu faire les deux dernières années. Finalement les arguments avancés pour nationaliser les actifs d’Esso ne tiennent pas sur toute la ligne.
Est-ce que l’Etat peut unilatéralement décider de nationaliser les actifs d’Esso ?
D’après les explications qu’on vient de donner, l’Etat ne peut pas unilatéralement nationaliser les actifs d’Esso. Parce que cette nationalisation ne repose sur aucune base juridique et même si tel était le cas, les arguments avancés ne tiennent pas debout. Il faut aussi soulignés que les actifs d’Esso au Tchad sont vendus à Savannah donc l’Etat n’a pas nationaliser les actifs de Esso mais ceux de Savannah.
Pourtant en décembre 2022, Savannah, qui opère essentiellement en Afrique, avait annoncé par un communiqué que Exxon Mobil lui avait cédé la totalité des actifs de sa filiale. Pour le citoyen lambda, Savannah est la propriétaire.
Effectivement, la date du 09 décembre 2022 est la date d’acquisition effective des actifs d’Esso, filiale d’Exxon Mobil, par Savannah et jusqu’a preuve de contraire, les actifs nationaliser lui appartiennent au regard de la convention.
Quelles sont selon vous les raisons qui poussent le gouvernement à prendre une telle décision ?
A mon avis le gouvernement ou du moins ceux qui sont en charge du dossier sont attirés par l’appât du gain facile. Une multinationale comme Exxon Mobil ne prendra pas de risque de ce genre, elle a bien assuré ses arrières en vendant ses actifs et quitter le Tchad au vu et au su du gouvernement qui n’a aucune raison valable de les arrêter.
Le Tchad encourt-il des risques face à cette situation ?
Le plus grand risque qu’encourt le Tchad est celui de faire fuir les potentiels investisseurs qui voudraient bien investir au Tchad. L’autre risque c’est de se voir trainer devant de juridictions internationales par Savannah. En cas de perte du procès, ce qui est très probable, le Tchad s’exposerait à des lourdes amendes
Les actifs seront rachetés par Sopetrans, cette entreprise connue dans la vente des produits pétroliers . Pensez-vous que cette entreprise sera à la hauteur quant à la mise en œuvre du cahier de charges ?
La loi pétrolière en république du Tchad donne la latitude à toute entreprise nationale ou internationale, publique ou privée d’exercer dans ce domaine de l’Amont à conditionne qu’elle démontre sa capacité technique et financière. Sopetrans exerce dans le domaine de l’Aval, spécifiquement dans la vente des produits pétroliers donc elle n’a pas la capacité technique pour exercer dans la domaine de l’Amont. Elle doit également démontrer en sus des capacités techniques, ses capacités financières. Je pense que Sopetrans ne soit pas qualifiée pour reprendre ces actifs. Au-delà de tout ça la question principale c’est, qu’elle est la plus-value de la nationalisation des actifs ?