Samedi 21 janvier 2023. Mairie de Moundou. Soudain, le prélat qui venait de marquer son opposition s’empare de la liste de présence et le déchire sous le regard ébahit de l’assistance. Il venait d’être défié par un corrégionnaire à la manœuvre pour faire croire que toute la société civile du Logone Occidental est d’accord avec le projet d’accaparement, c’est bien le mot, de 35 000 hectares de terres dans la plus petite et la plus densément peuplée des provinces du Tchad.
Derrière ces politiciens, journalistes qui brandissent une improbable prospérité économique de la province (on a vu et on voit encore les conséquences du projet pétrole) en oubliant de noter qu’il s’agit d’arracher des hommes et des femmes pour de bon à leurs terres, se cache un capitaliste de triste renom : le groupe Olam. C’est Olam à travers ces structures écrans qui a financé la réunion du 21 janvier qui a donné les résultats que l’on connait.
Comment comprendre que sur le même territoire, dans l’extrême nord du pays, le même gouvernement accepte de négocier avec une partie de ses populations qui ont décidé de prendre les armes pour s’opposer à l’exploitation de l’or sur leurs terres, créer des semblant de société civile pour valider un projet d’accaparement de terres aux résultats plus qu’incertains ? Nous l’avons écrit il y’a une semaine, le projet de zone économique spéciale destiné aux produits d’élevage dans la province du Logone Occidental est inopportun à plusieurs titres. Primo : il s’inscrit en faux par rapport au schéma national d’aménagement du territoire national (2014-2035), un document du gouvernement qui recommande, du reste, de développer ce genre d’industries dans le centre du pays, véritable terroir d’élevage. Deuxio : Il ne respecte pas la grille d’analyse qui voudrait qu’on tienne compte de la situation initiale, des risques encourus par un tel projet et d’éventuelles mesures correctives.
Au lieu de cela, des margoulins, connus pour leur appât du gain et le manque de considération pour les leurs, se sont jetés à corps perdu dans une opération de persuasion qui relève en vérité de la méthode coué.
Qui plus que l’évêque, porte-voix de l’église, très impliqué dans le quotidien des populations peut poser meilleur diagnostique ? En déchirant la liste de présence dans un acte de défiance, le prélat envoie un message politique qu’il faut savoir lire : consacrer l’accaparement des terres dans une province qui n’a toujours pas fait le deuil des évènements du 20 octobre sera une faute politique de plus. La paix n’a pas de prix. Et elle précède tout développement.
La Rédaction