Faire du bassin du lac Tchad une terre de paix et d’abondance
Très souvent les nouvelles qui nous parviennent de la région du Lac Tchad décrivent une situation de grande vulnérabilité dont les sources sont multiples. Des efforts importants sont déployés actuellement pour mieux faire connaitre les contraintes auxquelles font face, au quotidien, les populations ayant en partage le bassin du Lac Tchad.
En effet, des facteurs structurels comme le faible développement, les variabilités climatiques et plus récemment les problèmes liés à l’insécurité font que la région est considérée comme une terre de défis.
C’est ainsi que du 23 au 24 février 2017 s’est tenue en Norvège, « La Conférence Humanitaire d’Oslo pour le Nigeria et les autres pays du Bassin du Lac Tchad.
Des communications y ont été faites pour mobiliser des contributions financières estimées à USD 458 millions. Des ressources qui permettront de réagir rapidement à la détérioration de la situation humanitaire.
Du 2 au 7 mars 2017, les Ambassadeurs des pays membres du Conseil de sécurité des Nations Unies ont visité les pays du bassin du Lac Tchad (Cameroun, Niger, Nigéria et le Tchad) confrontés aux attaques de Boko-Haram. Ils ont engagé le dialogue avec les autorités gouvernementales, les Représentants des populations touchées par la crise, les acteurs du système des Nations Unies qui sont sur le terrain ainsi que les représentants des organisations de la société civile et les organisations sous régionales concernées.
Quelques semaines plus tard, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a adopté le 31 mars 2017, une Résolution (2349/2017) spécifiquement dédiée à la situation de la crise dans le bassin du Lac Tchad.
Quand on regarde la situation sur le terrain que ce soit sous l’angle de l’insécurité alimentaire, du niveau de malnutrition ou des déplacements forcés, il est évident que ces populations (y compris rapatriées et refugiées) connaissent un niveau de souffrance sans précédent. Beaucoup de personnes ont perdu leur moyen de production ; leur terre agricole ; leur matériel de pêche ; leur cheptel et même leurs habitations.
Alors que nous entrons progressivement dans la période cruciale de la campagne agricole 2017, cette année encore, ces acteurs économiques ne pourront pas apporter leurs contributions au développement de leur région, partant de leur pays.
Dans les quatre (04) pays concernés, ce sont quelques 3 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire dans la région du Lac Tchad qui requièrent une attention immédiate de leurs gouvernements et de la communauté internationale.
Du côté tchadien du Lac, quelques 345 000 personnes sont toujours dépendantes de l’aide humanitaire d’urgence en raison des contraintes mentionnées ci-dessus.
Nous savons cependant que le contexte socio-économique dans lequel vivent ces populations fait que, seule l’assistance humanitaire d’urgence ne peut durablement rendre leur dignité à toutes ces personnes.
C’est précisément une des raisons principales pour lesquelles le Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) s’est rendu récemment (6 – 8 avril 2017) au Tchad et à Maiduguri (Etat du Borno au Nigeria). Cette mission qui a pour objectif d’attirer l’attention de la communauté internationale sur cette crise négligée, oubliée voire à certains égards méconnue.
Tout en se félicitant des efforts humanitaires louables mais largement insuffisants, il s’agissait aussi à travers cette visite, de rappeler que la solution durable se trouve en dernier ressort dans la création des conditions de vie et de travail qui rendent à ces populations leur dignité. Il faut en particulier restaurer les moyens d’existence pour asseoir une relance de l’Agriculture dans des zones qui ont été durement affectées par la crise sécuritaire dans la région du Lac.
La Stratégie de Réponse de la FAO pour la Région du Lac
Le Directeur général de la FAO a saisi l’occasion de cette visite sur le terrain pour dévoiler la stratégie d’intervention de notre Organisation pour apporter une contribution décisive dans la résolution de la crise du bassin du Lac Tchad, avec un accent mis tout particulièrement, dans l’atténuation de l’impact de la crise pour renforcer la résilience et la sécurité alimentaire des communautés touchées.
Cette ambition renouvelée de la FAO vise surtout à imprimer une certaine urgence aux actions en cours pour obtenir rapidement des résultats majeurs touchant directement aux conditions de vie des populations concernées.
A cet égard, il est envisagé de renforcer les actions de soutien à la restauration et la mise en place des moyens d’existence indispensables aux populations, leur permettant ainsi, de reprendre progressivement leurs activités de production alimentaire. Il s’agit aussi d’accompagner ces populations dans les activités de transformation, de commercialisation et de conservation de leurs produits grâce à un accès facilité aux services financiers souples et adaptés à leur contexte.
De même, la réponse stratégique proposée comporte un volet important de gestion durable des ressources naturelles (notamment la terre et l’eau), avec des effets rapides recherchés, aussi bien au niveau de la préservation de la renouvelabilité de ces ressources qui constituent bien souvent le capital naturel des populations, que du point de vue de la réduction des conflits récurrents entre agriculteurs et pasteurs. Les actions identifiées dans le cadre de cette importante initiative de la FAO permettent aussi de renforcer le travail d’analyse, de coordination et de gestion de l’information en matière de sécurité alimentaire dans le bassin du Lac Tchad.
Cette réponse stratégique proposée sur la période 2017 – 2019 est estimée à 232 millions de dollars américains. Elle touche à l’ensemble du secteur vital (agriculture, élevage et pêche) de la région du Lac. C’est une stratégie qui parie sur un rétablissement progressif de la paix dans l’ensemble du bassin du Lac Tchad. Par conséquent chaque centimètre de terre sécurisé sera reversé dans le processus de production de richesses.
De la synergie d’action pour sortir la région du Lac de la Crise
La FAO bien entendu travaillera en étroite collaboration avec les institutions gouvernementales concernées (Ministères en charge de l’Agriculture ; de l’Elevage ; de l’Environnement et des Pêches), les Agences des Nations Unies qui sont sur le terrain dans l’esprit « Unis dans l’action », les populations locales ( y compris réfugiées et déplacées) ; les organisations de la société civile et les Organisations sous régionales à l’instar du Comité permanent Inter-Etats de lutte contre la sècheresse au Sahel (CILSS) et la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT).
Il convient de rappeler que cette réponse stratégique vise également à renforcer des actions déjà en cours pour faire face à l’insécurité alimentaire et la malnutrition dans la région du Lac. Depuis 2010, la FAO intervient régulièrement dans la région du Lac pour soutenir des activités de production; restaurer les moyens d’existence ; diversifier les sources de revenus des plus vulnérables ; renforcer les capacités des services publics décentralisés et promouvoir la gestion durable des ressources naturelles.
Avec la crise sécuritaire, nous évoluons aujourd’hui certes dans un contexte différent, mais l’ambition demeure d’accompagner les efforts du gouvernement du Tchad pour l’émergence dans ce pays d’une agriculture dynamique, forte et en mesure de constituer un moteur essentiel de l’économie Tchadienne.
Région du Lac, terre productive d’avenir
La région du Lac est précisément l’une des zones principales du pays où l’on pourrait valoriser des terres et créer les conditions d’un environnement attractif qui non seulement pourra soutenir les exploitations familiales existantes, mais aussi attirer de nouveaux exploitants qui se verront ainsi encouragés à s’engager dans le secteur productif rural.
Le rétablissement de la fonction nourricière de la région du Lac Tchad constituerait d’abord pour le peuple Tchadien, ensuite pour les partenaires intéressés, un signal important que ce merveilleux pays à bien raison de se doter d’une vision qui veut tourner la page de l’insécurité alimentaire et la vulnérabilité pour se projeter résolument vers des solutions durables de réduction de la pauvreté rurale, d’amélioration de la résilience face aux crises multiples. Nous pouvons faire du bassin du lac Tchad une terre de paix et d’abondance.
Mohamadou Mansour N’Diaye
Représentant de la FAO en République du Tchad