Cet éditorial aurait pu paraître il y’a un mois à l’occasion de la fête du travail. Il n’en demeure pas moins d’actualité sur la galère que vivent les fonctionnaires à la fin de chaque mois pour toucher au fruit de leur labeur : le salaire.
Le cas le plus illustratif vient du Mandoul où près de trente agents ont perdu la vie en revenant soit de Sarh ou de Doba où ils ont été obligés de se rendre pour toucher leurs salaires. La province du Mandoul n’a que deux établissements financiers, les autres qui y avaient ouvert ont dû fermer pour des raisons économiques. Une illustration de l’échec de l’application de la directive communautaire qui exige aux banques primaires de multiplier les agences dans les provinces. Sous la pression du ministère des finances, les banques ont entamé le mouvement mais ont fini par mettre les clefs sous le paillasson. « Il est trop difficile de faire tourner une agence surtout quand la plupart des virements qui arrivent ne sont que des dépôts à vue. D’habitude, les fonctionnaires raclent leurs salaires en deux jours. Entre temps, nous avons des charges qu’il faut supporter chaque mois » confie un banquier.
Cette situation, conséquence de l’absence d’une politique sérieuse de développement affecte comme le reste de la population, les travailleurs du secteur publique qui vivotent et attendent les virements des salaires comme le mendiant comptant sur le geste de bon cœur d’un passant pour espérer manger. Pour un pays où, l’unité de valeur de la richesse est le milliard, une bonne répartition de la richesse nationale aurait permis la création des pôles de développement, l’accès au crédit pour favoriser une prospérité. Chez nous, malgré les milliards engrangés grâce au pétrole, on a préféré clochardiser les travailleurs. Ainsi à l’approche de la fin du mois, les yeux sont rivés sur le téléphone guettant l’alerte annonçant le salvateur virement.
S’ils ont la chance de ne pas parcourir les 100 km comme leurs collègues du Mandoul, certains fonctionnaires sont contraints de faire le pied de grue des heures durant devant les établissements bancaires, à l’épreuve des intempéries et le risque de se faire agresser quand il s’agit d’une ville comme N’Djaména où les forces de l’ordre s’occupent de tout, sauf de la sécurité des personnes et des biens.
Pourtant, des solutions plus faciles et plus sures existent. Avec le taux de pénétration du mobile, il aurait fallu faciliter et encourager son développement pour éviter ce genre de drames qui sont une perte pour le capital humain de la nation. Ce sera aussi un pas de plus vers la démonétisation des échanges à laquelle nous n’échapperons pas tôt ou tard.
La Rédaction