PolitiqueTribune

Un Mémorandum sur le dialogue national inclusif

Un Mémorandum sur le dialogue national inclusif 1

A quelques jours du dialogue national inclusif, Dr Bé-Rammaj Miaro-II publie ce mémorandum aux Tchadiens au sujet de ce dialogue qui sera organisé par le Conseil militaire de transition ( Cmt).

Un coup d’état militaire eut lieu au Tchad le 21 avril 2021 à la suite de la mort le 20 avril du président maréchal Idriss Déby sur le champ de batailleDr Bé-Rammaj Miaro-II contre le Fact. C’est l’usurpation de pouvoir du peuple tchadien. Les auteurs du coup d’état avec l’aide de la France et de l’Union africaine, mettent en place un Comité militaire de transition (Cmt), un gouvernement de transition (Gt), et un conseil national de transition (Cnt), toutes des institutions illégitimes.
Le Gouvernement de transition organise à partir du 15 février 2022 un dialogue national. Les thèmes du dialogue se limitent à la description et à l’histoire des institutions, dont la forme de l’État, et laissent dans l’ombre les vraies causes du mal tchadien, causes dont certaines remontent aux VIIème et VIIIème siècles, mais qui ont traversé le temps, presque sans répit jusqu’aujourd’hui, en 2022. Il s’agit essentiellement de la hiérarchie des mépris, se caractérisant par le manque de considération des gouvernants pour leurs compatriotes d’autres races et ethnies qu’ils considèrent comme des ennemis et non comme des concitoyens à cause de leurs façons différentes de manger, de se comporter, de prier, de penser, d’agir, bref de vivre !
Tenez, après avoir fait un coup d’État militaire et pris en otage les populations du Tchad, les auteurs dudit coup d’État organisent un dialogue national inclusif avec des représentants triés sur le volet de vieux partis politiques, des diasporas, des politico-militaires qui doivent débattre des thèmes qui sont, tout sauf les vraies causes à l’origine de l’animosité et des violences de toutes sortes entre les citoyens, des dictatures, de l’intolérance, de l’absence de civisme au Tchad !
Comment comprendre que des auteurs d’un coup d’État hier dimanche, se transforment en démocrates le lundi, proposant aux peuples dont ils ont usurpé le pouvoir, de s’asseoir autour d’une table pour un dialogue national inclusif qui n’en est pas un ! Comment s’entêter à parler de dialogue quand les hypocrites et faux démocrates se bouchent les oreilles, et n’acceptent aucune proposition qui provienne des compatriotes qu’ils considèrent comme des ennemis, simplement parce que ces compatriotes voient les choses différemment !
Combien de propositions et de correspondances envoyées aux auteurs du coup d’État et au gouvernement de transition sont demeurées sans réponse et sans accusés de réception, transformant le projet de dialogue national inclusif à un « dialogue de sourds » ! Celui-ci n’a, par conséquent, rien à voir avec des institutions républicaines héritées de la colonisation française, considérant que ces institutions fonctionnent bien dans leur pays d’origine (France), car elles n’ont pas produit autant de dictatures qu’au Tchad en deux cents ans, c.à.d. depuis la première révolution française de 1789 ! Il ne faut donc pas imputer les dérives barbares humaines des dictateurs tchadiens aux institutions françaises, comme il faut arrêter de penser que les Tchadiens qui prennent le pouvoir par des coups d’État et par d’autres voies illégitimes, sont choisis par le Bon Dieu ! Notre Père Céleste nous a créés à son image avec toutes les qualités requises, et nous laisse la liberté de créer ici-bas, sur terre, notre enfer, ou notre paradis !
Une autre preuve qu’une institution politique, sociale ou culturelle, qui est un outil conçu par l’être humain, ne vaut que par les qualités humaines de ceux qui l’utilisent ! Le Tchad compte actuellement plus de 200 partis politiques pour une population de 17 millions d’habitants, soit un rapport d’un parti politique pour 85 000 habitants. Les États-Unis d’Amérique, un des pays de référence au monde en matière de démocratie a au niveau de la fédération huit partis incluant ceux de quelques indépendants pour 335 millions d’habitants, soit le rapport d’un parti politique pour 42 millions d’habitants.

Avec 200 partis politiques, le Tchad s’enfonce chaque jour, dans la misère et le désespoir ! Un parti politique au Tchad ne fait donc rien pour l’amélioration des conditions de vie des citoyens ! Il est au plus une petite entreprise familiale alimentaire ! Beaucoup de partis politiques de l’opposition ont rallié les militaires au pouvoir pour permettre à leurs membres de boucler leurs budgets mensuels.
L’origine de ce « dialogue de sourds » remonte au moins à 170 ans dans le passé ! L’esclavage et la traite orientale ont créé dans la cuvette tchadienne « la hiérarchie des mépris », entre des populations souvent de mêmes origines, de mêmes cultures, de mêmes familles de langues, de mêmes races: noire, blanche, ou jaune ! Romain Gary (1960 et 1980), auteur de « Les racines du Ciel », inspiré par la destruction de la Faune au Tchad, avec comme vestiges les ruines de « l’hôtel des chasses de Fort-Archambault, actuelle ville de Sarh », appelle cette hiérarchie des mépris « Filoche, le dieu de la petitesse, des préjugés, du mépris, de la haine ». La citation ci-après de Fayard Hubert Deschamps est une bonne illustration de « la hiérarchie de mépris » entre les différentes communautés du Tchad :
« Mépris des Arabes blancs du Nord pour les Arabes noirs du Centre, mépris de ceux-ci pour les Noirs islamisés du Baguirmi, mépris des Baguirmiens pour les Noirs païens du Sud, ancien réservoir de captifs ».
Le mépris et le rejet des êtres et des choses qui nous entourent expriment notre ignorance et notre immaturité, surtout quand cela a rapport avec les apparences, les couleurs, les préjugés, et le hasard des situations sociales, la religion, la politique politicienne ! Pour construire le Tchad, ce territoire de 1 284 000 km2 taillé sur le continent africain par le pouvoir colonial français dans le Soudan géographique, il faut, par des politiques vigoureuses d’éducation citoyenne, détruire cette « hiérarchie de mépris » dans les têtes et dans les comportements des bébés, des enfants, des adultes, et des vieillards ! Cela prendra une génération ou deux, mais tout dépend de notre détermination et de notre volonté pour élever l’égalité, la justice, les réalités objectives, au premier plan des valeurs cardinales, des familles, des communautés, et du pays !
Nous nous devons donc de débattre de ces « hiérarchies de valeurs » en commençant par leurs manifestations flagrantes pendant les 60 dernières années, si nous voulons définitivement tourner les pages, pour consacrer désormais nos énergies à la refondation de notre pays et à la mise en valeur de son vaste territoire :

A) Études des gouvernances du passé
1) Les 15 ans de régime de François Tombalbaye (11 août 1960 -13 avril 1975) ; La genèse et le développement du front de libération du Tchad (FLT), avec les affaires des otages allemands et français, les assassinats du commandant Galopin et du président Tombalbaye , rançons en argent et en armes utilisés dans la guerre civile de 1979, et dans des massacres des civils lors de septembre noir ;
2) Les cinq ans du régime du Conseil militaire suprême (Cms) et de Félix Malloum (15 avril 1975- 29 mars 1979) ;
3) Les régimes de Lol Mahamat Choua (29 avril 1979 -3 septembre 1979) et de Goukouni Oueddei (10 novembre 1979- 29 avril 1979) ;
4) Les huit ans du régime de Hissène Habré (7 juin 1982-1er décembre 1990)
5) Audit des exploitations des champs pétrolier de Doba (2003-) et du Mayo-Kebbi;
6) Les 30 ans de gouvernance d’Idriss Déby à la tête du MPS (4 décembre 1990-20 avril 2021) ;
7) Le coup d’état militaire de Mahamat Idriss Déby du 21 avril 2021 et ses conséquences.
Des études par des commissions des neuf situations ci-dessus permettent de comprendre les raisons des dérives des dirigeants et d’identifier des modèles et styles de gouvernance les plus indiqués pour le Tchad, et qui facilitent le vivre-ensemble des populations.
B) Citoyenneté et gouvernance du futur
1) Les nombreuses communautés du pays proposent des conditions de vivre-ensemble, et
2) S’entendent sur :
a) Une forme de l’État qui permet de vivre ensemble malgré leurs différences (ethnies et races, religions, géographie etc..) ;
b) Une constitution dans le cas d’un État unitaire, ou sur des constitutions dans le cas d’une fédération ou d’une confédération ;
c) Des institutions démocratiques (pouvoirs exécutif, législatif, judiciaire, et types d’administration centralisée ou décentralisée) ;
d) Des langues de travail et de culture ;
e) Des systèmes économiques, socio-culturels, et de sécurité sociale : vieillesse, handicapées, retraites
f) Des systèmes et des politiques d’éducation et des langues d’enseignement ;
g) Des systèmes et des politiques de santé et d’hygiène ;
h) Des systèmes et de politiques de sécurité : armée et police ;
i) Des systèmes de relations internationales.
j) Des régimes domaniaux et fonciers
k) Des systèmes de citoyenneté et d’immigration ;
l) Des politiques de l’environnement et de changement climatique.

L’exercice d’un retour sur le passé, discuter et s’entendre sur des conditions de vivre-ensemble permettent aux Tchadiens de prendre leur destinée en main. Ils auraient dû le faire dès la proclamation de la république en 1958. Mais hélas, ils n’y avaient pas pensé parce qu’ils n’avaient plus l’estime de soi et la confiance en eux après 58 ans de colonisation. Mais ce n’est jamais trop tard. Il faut se mettre au travail et compter sur nos génies, et capacités, l’aide extérieure n’étant qu’un petit complément.

Les outils pour développer des capacités, les intelligences, les génies au sein des populations, sont l’éducation et la formation scientifique. Nous devons à ce titre repenser les contenus des programmes de l’école maternelle à l’université, et à l’institut polytechnique, en visant le développement des capacités physiques et mentales, et l’équilibre moral sans lequel le vivre ensemble n’est pas possible, sans oublier des formations professionnelles de qualité.

Dr Bé-Rammaj Miaro-II