Dans un communiqué, la Banque mondiale tire la sonnette d’alarme sur les failles des systèmes de suivi de l’endettement à l’échelle mondiale. Elle révèle que la dette souveraine des pays les plus pauvres du monde atteint des niveaux inquiétants.
Le nouveau rapport de la Banque mondiale révèle que les failles des systèmes de suivi de l’endettement à l’échelle mondiale compliquent l’évaluation de la soutenabilité de la dette et, pour les pays surendettés, brouillent les perspectives de restructuration rapide afin d’assurer un redressement économique durable. Ce rapport, intitulé Debt Transparency in Developing Economies constitue selon la Banque mondiale la première analyse exhaustive des systèmes nationaux et internationaux de suivi de l’endettement souverain. « Il établit que les systèmes actuels de surveillance de la dette dépendent d’un ensemble de bases de données élaborées par différentes organisations en s’appuyant sur des normes et des définitions variables et à la fiabilité plus ou moins avérée. Ces incohérences conduisent à de fortes variations dans les décomptes publiés de la dette des pays à faible revenu — représentant dans certains cas jusqu’à 30 % du PIB », note le rapport.
Le président du Groupe de la Banque mondiale, David Malpass informe que « les pays les plus pauvres sortiront de la pandémie de Covid-19 avec le niveau d’endettement le plus lourd de ces dernières décennies mais les opérations de réconciliation et de restructuration de la dette, pourtant indispensables, seront retardées par le manque de transparence ».
Pour rendre la situation moins opaque, insiste David Malpass, « il faut disposer d’un cadre juridique solide de la gestion de la dette publique et de systèmes intégrés de comptabilisation et de gestion de l’endettement tout en améliorant les instruments internationaux de suivi de la dette. Les institutions financières internationales, les pays débiteurs, les créanciers et les autres parties prenantes que sont notamment les organismes de notation et la société civile ont tous un rôle central à jouer pour promouvoir la transparence de la dette ».
Le rapport constate que 40 % des pays à faible revenu n’ont publié aucune donnée sur leur endettement souverain depuis plus de deux ans — et que ceux qui publient effectivement des chiffres tendent à les limiter à la dette du gouvernement central. Il révèle en outre que de nombreux pays en développement recourent de plus en plus souvent à des prêts garantis par les ressources naturelles, gageant ainsi des recettes futures pour obtenir des financements. « Entre 2004 et 2018, les prêts garantis par les ressources en Afrique subsaharienne ont représenté près de 10 % des nouveaux emprunts. Plus de 15 pays sont concernés mais aucun ne fournit d’informations précises sur les modalités de ces garanties financières », précise ce rapport qui note en outre que les banques centrales font elles aussi appel à des outils de politique monétaire, comme les opérations de mise en pension (« repo ») ou les swaps, pour faciliter les emprunts publics auprès de créanciers étrangers. Mais, relativise le document, ces emprunts ne sont, ni clairement identifiés dans leurs bilans, ni pris en compte dans les bases de données des institutions financières internationales. « Les marchés financiers intérieurs des économies les plus pauvres se caractérisent également par leur opacité : selon le rapport, 41 % à peine de ces pays recourent à des adjudications fondées sur le marché comme principal canal d’émission de la dette intérieure. Et ceux qui le font ne divulguent que des informations fragmentaires aux investisseurs ».
Le rapport présente une série de recommandations détaillées et classées par ordre d’urgence notamment « la publication annuelle de statistiques de la dette publique et garantie par l’État, l’incitation à collecter et publier des données de manière coordonnée et la création de systèmes intégrés de comptabilisation et de gestion de la dette conformes aux normes internationales ».
Stanyslas Asnan