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N’Djamena a fêté dans la galère

N’Djamena a fêté dans la galère 1

N’Djamena a fêté dans la galère 

Moursal, l’un des quartiers réputés pour ses habitudes festives est dans le noir lors de cette fête de noël 2016. Malgré la décoration à l’aide des sapins, guirlandes et jeux de lumière ainsi que les diverses sonorités qui agrémentent l’atmosphère, les alimentations, bars et restaurants qui longent les avenues Kondol, Mbailemdanan, Goukouni , Mobutu et Boulevard des Sao les chaises sont restées vides ce 25 décembre.

Entretemps, les serveuses attendent impatiemment la venue des clients sous les brumes des brouillards. « J’ai dépensé assez d’argent pour réfectionner mon bar puis le décorer afin que la fête soit belle mais grande est ma consternation. Les clients viennent au compte goute », se lamente un tenancier de bar situé non loin du rond point Aigle dans le 6ème  arrondissement. Si ce tenancier  a réfectionné son bar sur ses propres fonds, Ngonkara, tenancier aussi d’un bar à kamda dans le 7ème arrondissement, lui, a contracté crédit pour restructurer son alimentation. Malheureusement, son établissement n’a pas enregistré la clientèle escompté en ce temps de fête.  « J’ai pris crédit pour rendre mon établissement confortable afin d’attirer les clients mais ce n’est pas le cas. Or, j’espérai engranger plus de bénéfices », explique-t-il. « On dirai que le pays est en deuil », commente un consommateur devant sa bouteille de bière. 

Si  à Moursal, Kamnda, Gassi, Atone et Dembé les débits de boisson, les rues et avenues sont déserts en cette fête de noël, à Ardep Djoumal et Kabalaye dans le 3ème arrondissement par contre, l’ambiance est à la réjouissance collective. Aux abords des rues, on remarque une forte présence humaine. Devant les bars, maquis et alimentations, les engins sont garés dans un désordre indescriptible. Pendant ce temps, la bière coule à flot. Bras dessous, bras-dessus, chacun à sa chacune, les fêtards se réjouissent.

Les 16 mesures sont passées par là

Pour beaucoup de familles, les 16 mesures et la crise financière que traverse le pays est la cause de ce climat morose de la fête. « C’est une fête inoubliable à cause de son caractère mélancolique », lance une femme devant sa concession à Abena. « Mon mari n’a pas gagné. Mes affaires ne marchent plus. Nous n’avons pas suffisamment d’argent pour organiser la célébration », complète sa voisine d’en face d’un air triste.  «Je n’ai pas été payé, où est ce que je vais avoir de l’argent pour célébrer cette fête avec faste ? », se demande Mbaiadem, fonctionnaire au ministère l’éducation à la veille de ce réveillon à son ami. « Mon cas est pire », lui répond son ami. « Imaginez, chaque année, j’égorge un cabri pour mes enfants mais cette année même un poulet je n’arrive pas en acheter. C’est dur. On ne peut que se confier à Dieu », se résigne un autre fonctionnaire au ministère de la santé père de 11 enfants. 

Situation qui a obligé Singamongue, lui aussi fonctionnaire de son état à répondre à l’invitation de ses amis du secteur privé. « Je suis venu prendre une bière pour me distraire avec les amis. C’est la colère qui m’a poussé à venir dans cette alimentation. Mes enfants pleurent parce que je n’ai pas pu leur acheter des habits. Pourtant, ce n’est pas de ma faute mais les enfants ne veulent rien entendre», informe-t-il.  « C’est le gouvernement qui est responsable de cette situation », tranche Reounodji, voisin de table. « Si ce  n’est pas la crise, je ne peux pas fuir mes enfants et ma femme pour venir rester boire ici. J’ai l’habitude de fêter en famille mais cette année ce n’est pas le cas », souligne Doumtelem, au fond du hangar servant de l’alimentation. 

Cette fête de noël  n’est pas aussi belle pour les filles de la joie du marché Mokolo situé sur l’avenue Taiwan et Mobutu. «  Depuis hier, je n’ai que trois clients » témoigne une prostituée âgée de 19 ans. La preuve, ce 25 décembre aux environs de 20h, le lieu est bondé de filles qui attendent impatiemment les clients. Car, juste en face de ce lieu, un grand bar  y est implanté. Malheureusement, le bar est même désespérément vide. « L’année dernière à cette heure-ci,  j’ai déjà enregistré un grand nombre de clients. Mais cette année, les clients ne viennent pas », regrette une autre habillée en collant jaune dessinant son patrimoine généreux. 

Si la crise financière se fait ressentir au niveau des familles, des débits des boissons, des restaurants et en milieu des prostitués en cette fête de noël,  par contre, elle oblige beaucoup de personnes à fêter à l’église comme c’est le cas de Djerakei, enseignant du supérieur. « N’ayant pas les moyens, mon ami m’a invité pour le réveillon et j’ai accepté sans hésiter. C’est par nécessité que je suis venu sinon je serai avec les amis autour d’un pot », confie-t-il. Toutefois beaucoup de Tchadiens  espèrent que le gouvernement paie les fonctionnaires avant la fête de Saint Sylvestre pour redonner du sourire aux familles pour une meilleure entame de l’année 2017.

Asnan Non-Doum