LA NOUVELLE AFRIQUE
DE M. MOUSSA FAKI MAHAMAT CANDIDAT DU TCHAD
A LA PRESIDENCE DE LA COMMISSION DE L’UNION AFRICAINE
Hier construite sous la dénomination d’Organisation de l’Unité Africaine, pour impulser le mouvement de libération nationale, de lutter contre l’Apparteid et pour l’émancipation de l’Afrique du joug colonial, elle est devenue aujourd’hui, depuis sa douce métamorphose en Union africaine, l’instrument irremplaçable de notre développement démocratique, économique et social, de notre intégration ainsi que de notre affirmation dans l’arêne internationale.
L’UA et la Commission qui en assure le leadership ont atteint l’age de maturité.Le temps est venu de procéder aux ajustements idoines qu’appelle le nouveau contexte continental et international.
Revigorer la jeunesse africaine
L’Afrique est un continent très jeune. Sa croissance démographique est prodigieuse. La jeunesse africaine représente plus 60% de la population totale du continent. Toute démarche en faveur de l’Afrique doit reposer sur cette donnée cardinale. Dans son essence, l’action de l’Organisation doit avoir pour obsession la prise en compte des besoins de la jeunesse africaine en matière de liberté, de modernité, de changement, d’éducation, de santé, d’emploi et d’épanouissement physique, moral et intellectuel. A cet égard, la réalisation des objectifs de la Charte africaine de la Jeunesse par le biais d’une sensibilisation accrue des Etats membres sur sa mise en œuvre effective, devrait être une des priorités absolues.
Rehausser la femme en Afrique
Les femmes africaines font partout l’objet d’une inflation de discours incantatoires. Seuls pourtant quelques rares pays du continent ont, en pratique, mis en œuvre, à une large échelle, cette unanime et affectueuse sollicitude.
L’ancrage, en Afrique, du modèle démocratique et des valeurs de liberté, d’égalité, d’équité et de justice qui en sont le coeur palpitant, m’apparaît irréalisable tant que les centaines de millions de femmes continuent de ployer sous le joug de la marginalisation, de l’ignorance, voire de l‘oppression de systèmes archaïques et rétrogrades.
Une vigoureuse action multidimensionnelle en vue d’inverser totalement le système inique et insupportable qui, après soixante années d’indépendance, continue d’écraser, sous mille pesanteurs nos mères, sœurs et épouses, s’avère à mes yeux, un pilier de premier ordre dans toute vison stratégique d’émancipation et de développement de notre continent.
Renforcer la Gouvernance :
Le renforcement de la gouvernance démocratique et économique ne saurait plus désormais souffrir le moindre report. Les richesses du continent, ses potentiels variés, ses capacités d’attraction des investissements internationaux, la lutte contre la corruption, la gabegie, la concussion, le laisser-aller, la démission vis à vis de la gestion des deniers publics à l’échelle du continent méritent une attention, un discours et une action plus robustes de la Commission de l’Union Africaine. J’ambitionne de concevoir, avec les compétences africaines mobilisables pour la cause, la stratégie la plus performante possible pour apporter ici, dans les meilleurs délais, une réponse décisive aux espérances dont le cri plaintif emplit aujourd’hui le ciel africain.
L’environnement et la migration : les nouveaux défis
Les questions de l’environnement et de la migration sont des défis relativement nouveaux pour l’Afrique et dont elle en souffre plus que tout autre Continent.
L’Afrique est victime de la dégradation rapide du climat dont le corollaire est la sécheresse, le phénomène El Nino, l’érosion des côtes, la menace sur l’écosystème du Bassin forestier du Congo, etc…L’Afrique paye le prix fort de la pollution dont elle n’est pas responsable.
L’Afrique subit également durement le phènomène migratoire qui est une des conséquences de la pauvreté et de l’insécurité et qui la saigne de ses bras valides.
Dans les deux cas, mon action portera sur la mise en œuvre des politiques et stratégies nationales et sur la concrétisation des engagements de la Communauté internationale vis-à-vis de l’Afrique.
Sécurité et stabilité, une exigence
L’expérience personnelle dans la gestion des affaires que j’ai acquise dans l’exercice de mes responsabilités internationales, ajoutée à celle de mon pays, m’ont convaincu que tous les rêves que nous pouvons légitimement nourrir pour notre continent et pour ses peuples demeurent des chimères tant que la paix, la stabilité et la sécurité n’auront pas définitivement prévalu.
Je rêve d’un continent où le bruit des armes et la douleur des violences se seront définitivement ensevelies sous les hymnes de la culture, du grondement des usines, des lumières des découvertes scientifiques, de la confrontation civilisée des doctrines, des compétitions pacifiques des programmes politiques, des cérémonies joyeuses d’inaugurations d’infrastructures éducatives, sanitaires, portuaires, routières, industrielles, agricoles,environnementales, sportives et musicales, etc.
Dans cette optique, il est important de souligner que le Programme de l’U.A « Faire taire les armes d’ici à 2020 », devrait cesser d’être un slogan. Il doit être mis à niveau en tenant compte du facteur temps, et sa mise en œuvre accélérée.
Un partenariat dynamique et égalitaire
La coopération et la solidarité internationale sont irremplaçables. Notre monde est à la fois multiple et un, interdépendant et divers. L’Afrique et l’Europe, l’Afrique et l’Amérique, l’Afrique et l’Asie, comment ne pas être fier que notre continent soit aujourd’hui au centre de ces immenses ensembles géostratégiques ?
En définitive, pourtant, nous n’en cueillirons les fruits qu’à la condition de nous affirmer, sans complexe ni ombrage, dans notre propre être, notre personnalité, notre identité, sur une base de totale égalité avec les autres, tous les autres amis et partenaires.
A la construction de ce rapport entre nous et les autres, j’aimerais consacrer une bonne part de mes énergies en rationalisant tous nos partenariats stratégiques en vue des résultats concrets mesurables dans le temps et dans l’espace.
Renover l’Union Africaine
Un examen critique d’ensemble de nos architectures de rédeploiement administratif et programmatique et de nos processus décisionnels amorcera mon action que je souhaite,ici, novatrice. A cet égard, j’attends avec intérêt les conclusions de l’étude en cours sous la supervision du Président Paul Kagamé portant sur la réforme structurelle de notre organisation.
J’entends mettre en œuvre ces conclusions selon une démarche consensuelle, progressive mais déterminée, avec le soutien de tous et les éclairages avisés de nos dirigeants, chefs d’Etat et de Gouvernement, les immenses potentiels d’énérgies créatrices de notre jeunesse, de nos femmes, de nos intellectuels et savants, la mobilisation de nos sociétés civiles serviront de levain à notre action.
Il nous faut des structure plus souples, plus lègères, moins bureaucratiques, moins couteuses, plus efficaces, plus portées sur les résultats.
Dans cette dynamique de changements, il me parait essentiel de valoriser les organisations régionales, d’en faire des pôles d’excellence spécialisées chacune dans des thématiques spécifiques à leurs aires géospatiales, mais travaillant en étroite synergie en vue d’une intégration réelle et effective du continent libérant les énergies et les mouvements des personnes et des biens.
Est-il besoin de rappeler que c’est seulement en agissant ainsi que nos amis et nos partenaires nous ferons confiance et pourront, si besoin est, nous accorder leurs appuis.
Le monde est devenu moins génereux, moins solidaire, moins altruiste. Les ressources se raréfient sur notre planète. Les besoins s’accroissent et la concurrence entre lees exigences est rude, presque insurmontable. C’est à une prise en charge de nous-mêmes que je voudrais, avec le soutien de tous, inspirer et animer avec détermination le renouveau tant souhaité de l’Union Africaine.
MOUSSA FAKI MAHAMAT