De centaines de N’Djaménois ont répondu à l’appel à la marche pour la justice, l’inclusion et l’alternance lancée par des organisations de la société civile, des leaders d’opinion et des partis politiques de l’opposition. Une marche qui s’est soldée par l’arrestation du secrétaire général de la Ctddh, Mahamat Nour Ibédou, de la trésorière des Transformateurs Fatimé Adbelkérim Soumaïla et plusieurs autres manifestants. Le président des Transformateurs Dr Succès Masra et quelques autres militants ont trouvé refuge à l’Ambassade des États-Unis au Tchad.
Tôt ce matin, c’est le qui-vive dans de nombreux quartiers de la capitale. Mais le Qg du parti Les Transformateurs cristallise toute l’attention. Entre les éléments du groupement mobile d’intervention de la police (Gmip) qui ont érigé leur Qg au terrain Foullah en face du siège de ce parti. Pour les habitants et les passants, c’est la méfiance. « Chaque habitant regarde des passants (Ndlr : des gens qui viennent d’ailleurs) avec méfiance. On ne sait pas qui est qui, car la police a des oreilles partout », prévient un sexagénaire, qui voulait nous mettre dehors quand nous avons tenté de trouver refuge chez lui après les premiers tirs des grenades lacrymogènes. « Je vous ai confondu aux agents de renseignement », ajoute-t-il.
Autour de 8h 30, malgré les coups de sifflet et les premiers tirs des grenades lacrymogènes, le calme règne encore. Mais il ne sera que de courte.
A 9 heures, il y a de l’agitation partout. Débordée, la police tire sans distinction. Domiciles, marchés, terrain de football et autres endroits sont systématiquement gazés. « Il suffit qu’un manifestant ou un passant par peur de se faire appréhender par la police entre dans votre maison pour que les policiers larguent des lacrymogènes », témoigne Nédigulembaye, un père de famille qui a ramassé 4 douilles de grenades dans sa concession. Dans cette partie du quartier Habéna, l’air devient irrespirable.
L’arrestation de Mahamat Nour Ibédou
Situation similaire autour de l’Ambassade des États-Unis au Tchad. A motos, véhicules ou à pied, les agents de sécurité ont quadrillé le secteur. Devant l’Hôpital de l’Union de Chagoua, les éléments du Gmip ont tiré des grenades lacrymogènes. « Ils ont tiré même au sein de l’hôpital », rapporte un médecin en service. La forte présence policière s’explique par la présence de deux leaders des marcheurs devant l’Ambassade des États-Unis. Alors qu’ils entonnaient l’hymne national avec leurs compagnons, Succès Masra et Mahamat Nour Ibédou ont été gazés par la police. Ils battent en retraite vers l’entrée de la représentation diplomatique. Le président des Transformateurs et quelques manifestants ont réussi à entrer dans l’Ambassade. Le secrétaire général de la Convention tchadienne de défense des droits de l’homme (Ctddh) Mahamat Nour Ibédou et quelques autres leaders seront interpelés. « Ibédou a été même brutalisé », informe une autre source. La trésorière des Transformateurs Fatimé Adbelkérim Soumaïla est aussi interpelée quelques minutes plus tard.
Une marche organisée
Alors que la police antiémeute-Groupement mobile d’intervention de la police- (Gmip) attendait de pied ferme les manifestants devant le siège des Transformateurs, des nombreux manifestants sont sortis de plusieurs rues et ruelles pour marcher, brûlant ici des pneus et entonnant là l’hymne national. « Comme on ne peut plus marcher pacifiquement, bruler les pneus reste l’unique option. Et nous allons rééditer la prochaine fois jusqu’à la satisfaction. Ils ont les moyens mais nous, nous avons l’intelligence », révèle Marc qui sursaute devant des pneus en flamme sur l’avenue Mathias Ngartéri.
Les 1er et 2ème arrondissements verrouillés
C’est à Farcha dans la commune du 1er arrondissement que les premiers marcheurs se sont signalés dès 7 h 30. Environ une vingtaine, ils ont marché pendant plusieurs minutes sur une rue secondaire scandant des slogans hostiles au régime avant de se disperser. Cette sortie a échappé au dispositif policier en place depuis plusieurs jours. « C’est depuis le 04 février que les policiers se sont installés ici. A chaque 30 minutes, une colonne policière fait le tour des quartiers », témoigne Roger, un employé dans une entreprise implantée dans le quartier.
La Rédaction