Moins de deux mois après la mascarade de son intronisation en tant que Marechal du Tchad le 11 août 2020, anniversaire de la proclamation de l’indépendance du pays et alors que les populations continuent de souffrir de la pandémie à la Covid19, de l’épidémie au Chikungunya à l’est du pays et des inondations dans la capitale, le régime Deby surprend la classe politique et la société civile par une annonce de la constitution d’un comité chargé de l’organisation d’un « forum national inclusif », et ceci, moins de deux mois après l’annonce de sa tenue.
Ce deuxième forum que le régime présente comme une promesse du Chef de l’État, est, semble-t-il, destiné à faire le point de la mise en œuvre des 74 résolutions issues du premier forum boycotté par l’opposition. Alors qu’aucun document n’a été publié pour expliciter l’objectif et le contenu de ce forum, les supputations vont bon train. On lui attribue l’objectif de restaurer la primature, de créer un poste de vice-président destiné à loger un des enfants d’Idriss Deby Itno, de supprimer le serment confessionnel ou encore de ramener l’âge pour être présidentiable à 35 ans, sous la pression internationale. Ce forum qui intervient dans un contexte marqué par des bruits persistants de brouille au sein du clan présidentiel, semble ainsi destiné à corriger les incongruités d’un régime politique dit de « présidence intégrale », si ce n’est pas pour distraire l’opinion publique. Il ne prendrait ainsi pas en compte la correction de toutes les dispositions liberticides inscrites dans la constitution de 2018, ni la mise sous contrôle du Président de la République de toutes les institutions constitutionnelles, ni la suppression d’autres, comme la Cour des comptes. La composition du Comité d’organisation, essentiellement des membres de la mouvance présidentielle et la durée consacrée à ces assises sensées se tenir du 29 au 31 octobre 2020 laissent clairement comprendre que les principales préoccupations de la majorité des Tchadiens et de la classe politique ne seront pas inscrites à l’ordre du jour ni traitées avec le sérieux qu’il convient. Si rien n’est fait le peuple Tchadien continuera d’enregistrer avec amertume les scandales de détournement qui restent impunis, la queue dans les classements internationaux en matière de développement économique, sociale et de gouvernance après plus de dix années d’exploitation pétrolière. Les délestages d’électricité, les restrictions d’internet, les interdictions de manifester dans la rue et les arrestations arbitraires continueront d’être leur quotidien. Alors que le pays est rentré dans la période pré-électorale avec la mise à jour en cours du fichier électoral, aucun indice d’une élection transparente et équitable n’est visible dans les dispositions règlementaires et législatives en matière électorale. Les conclusions des débats au sein du Comité national de dialogue politique sont systématiquement foulées aux pieds par un parlement illégitime depuis la fin du mandat des députés en 2015. Aujourd’hui, le contrôle citoyen des élections n’est pas garanti par les textes, tout comme l’espace politique n’est pas libéré, avec l’interdiction de candidatures indépendantes. Malgré les multiples alertes des organisations internationales de défenses des droits de l’homme et des observateurs avertis, le régime continue de bénéficier de la rente de son interventionnisme tout azimut sur les terrains de lutte contre le djihadisme. Emmanuel Macron qui n’a pas hésité à exprimer publiquement sa honte vis-à-vis des dirigeants d’un pays du Moyen Orient, continue à dérouler le tapis rouge à Idriss Deby alors que ce dernier perpétue la pratique des régimes passés avec des prisons privées et une gestion familiale du pouvoir. Deby et son parti MPS d’un côté, Hinda Deby son épouse et sa Fondation Grand Cœur de l’autre ont le monopole exclusif des médias d’État et l’administration publique est devenue le lieu des intrigues politiciennes et d’achat de conscience au profit de ces organisations sous le regard d’une diplomatie internationale condescendante. Dans le même temps les médias privés sont régulièrement sanctionnés à l’exemple de la mesure en cours visant à fermer une quinzaine de titres historiques. La diaspora Tchadienne exprime son rejet de ce forum qui n’est ni national ni inclusif. Elle estime qu’il n’est pas de son devoir de prendre part à une foire dont les conclusions semblent préparées d’avance, pour polir un régime qui a fait la démonstration de ses limites à tous les niveaux. A l’unisson avec les forces vives de l’intérieur du pays, elle estime que la sortie pacifique de l’impasse passe inévitablement par la tenue d’un dialogue national inclusif qui permettra de discuter des principes d’un pardon national, de concevoir un Tchad Nouveau et de définir les contours d’une transition politique apaisée. Nous estimons qu’au lieu d’un forum de trois jours, qui risque d’accoucher étrangement d’une nouvelle république, consacrant un nouveau principe d’une limitation glissante du nombre de mandats présidentiels, Idriss Deby Itno devrait ouvrir le débat autour d’une sortie négociée pour sa personne. Autrement, nous pensons que les Tchadiens sauront faire la paix entre eux et se donner les moyens d’éjecter du pouvoir le seul responsable de la situation d’enlisement du pays. Aussi, nous engageons toute la diaspora tchadienne à apporter un soutien multiforme à toute initiative des organisations de la société civile tchadienne visant à faire entendre la voix du peuple Tchadien face à la mascarade en cours de préparation.
Signataires :
– Pr Facho Balaam, Diaspora tchadienne en France
– Haroun Zorrino, Diaspora tchadienne en Suisse
– Fatimé Barkai, Diaspora tchadienne en Angleterre
– Tamara Acyl, Diaspora tchadienne en France
– Abel Maïna, Diaspora tchadienne en France
– Makaila Nguebla, Diaspora tchadienne en France
– Habib Ben, Diaspora tchadienne en France