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« Nous sommes prêts mais, il n’y aura pas les législatives cette année »

« Nous sommes prêts mais, il n’y aura pas les législatives cette année » 1

Après l’annonce par la Commission électorale nationale indépendante (Céni) de la date des législatives au 13 décembre prochain, le président de l’Alliance nationale pour la démocratie et le Développement (And) Salibou Garba nous confie dans cette interview sa certitude qu’il n’y aura pas de législatives en 2020.

La Ceni a présenté la semaine dernière le chronogramme des élections électorales, quelle est votre lecture de ce document ?

Je crois que j’ai dû répondre à cette question par anticipation. Quand le président de la République a convoqué les partis pour annoncer la date du 9 août, j’avais dit qu’il ne revient pas au président d’annoncer un chronogramme qui n’a pas été débattu au sein de la Céni. Il s’agit d’une mise sous tutelle de la Céni, ce qui est contraire aux textes et à l’esprit de nos lois. Honnêtement, le président n’est pas prêt à organiser les législatives avant la présidentielle. Il a fait cette manœuvre pour rendre les partis politiques responsables du retard. Déjà en août, j’avais prédit que le nouveau chronogramme annoncera la tenue des législatives en décembre. Et après on va vous dire non, ceci n’est pas fait, ceci n’a pas été réalisé, et petit à petit on va glisser en 2021. Or, à partir de février 2021, ça sera les préparatifs de la présidentielle considérée comme ligne rouge. Le président va dire non, on n’a pas assez d’argents pour faire tout cela ensemble donc la priorité sera la présidentielle. Même si les élections législatives avaient lieu, elles seront bâclées. En fait, ce processus a eu du plomb dans l’aile dès le démarrage avec une Céni illégale.

Quand dans un processus électoral, c’est le président de la République qui donne le tempo, la Céni n’est pas indépendante. Le Cndp n’était pas d’accord pour la désignation du président de la Céni mais le pouvoir a fait un forcing. Les membres de la Céni censés proposer le chronogramme pour le processus électoral n’étaient pas au courant du chronogramme qui fixait les élections au 9 août dernier, proposé par le président. Comment se fait-il que le président soit au courant et pas les membres de la Céni ? Cela veut dire que c’est lui qui dirige.

Pour vous, c’est l’indépendance de la Ceni et du Cndp qui sont en cause ?

Oui, la Céni n’est pas indépendante. D’abord sa composition est biaisée parce que des partis qui ne devraient pas y être sont représentés. Le régime est dans la logique « on vous met là, vous gagnez de l’argent et en échange vous fermez les yeux sur ce que nous faisons ». Siègent à la Céni, des partis qui ne sont pas éligibles aux termes de la loi. En principe, il revient au président de la République d’attirer l’attention des gens sur le non-respect des lois mais nous assistons à l’inverse. Alors que normalement dans un  pays digne de ce nom, un organe dans lequel siègent des personnalités non éligibles aux termes de la loi, ne peut ni délibérer, ni prendre une décision.

Aujourd’hui, le Bureau permanent des élections (Bpe) est sous la tutelle du ministère de l’intérieur alors que c’est un organe qui devrait être indépendant.

Nous ne pouvons pas continuer à montrer à la face du monde que nous ne sommes pas un Etat. C’est pour cela que nous appelons au respect de la loi. Or, le régime en place n’en veut pas et il fait de l’exclusion.

Dans la loi organique qui détermine le nombre des députés et leur répartition dans les circonscriptions électorales, on ajoute comme condition, la reconnaissance de la constitution de la 4ème République. Or, un parti politique est créé et exerce en fonction des lois de la République donc de la constitution. Mais de-là à glisser dans cette loi organique un tiret pour dire qu’il faut reconnaitre la constitution, revient à exclure l’opposition de toutes les compétitions électorales à venir.

A vous entendre, l’élection présidentielle aura lieu avant les législatives ?

Inchallah ! Mais là, tout est mal parti en tout cas. Le Tchad court le risque de plonger dans un chaos indescriptible. A force de bomber le torse et de refuser de voir les réalités, le pouvoir va conduire le pays dans une situation pas loin de l’apocalypse. Il est difficile de comprendre que des gens responsables puissent avoir un tel comportement. Ce régime est caractérisé par la mauvaise foi, le mensonge, la violation des lois. Au-delà de ces élections, je suis plutôt inquiet pour l’avenir du pays.

Et si jamais monsieur le président les élections venaient à se tenir en 2020, êtes-vous prêt à y participer ?

Un parti politique est fait pour aller aux élections bien sûr. Mon parti va participer à toutes les élections. Les camarades sont sur le terrain, se concertent et peaufinent leurs stratégies donc nous sommes prêts à tout moment.

Stanyslas Asnan