Le mandat à durée indéterminé
On peut le dire, la page des élections présidentielles est désormais définitivement tournée. Les multiples contestations, manifestations et cris d’orfraie postélectoraux de l’opposition et de la société civile n’ont pas empêché que le président réélu soit investi en pompe. Un nouveau gouvernement est également mis en place.
Et si l’on s’en tient toujours au chronogramme établi par la commission électorale nationale indépendante (Ceni), les consultations législatives verront le jour dans les mois qui suivent. Des indiscrétions dans les milieux du pouvoir ont même avancé une échéance: fin premier trimestre 2017. Mais au regard du contexte socioéconomique actuel, tout porte à croire que ce scrutin ne sera pas pour bientôt. Déjà, la crise économique que traverse actuellement le pays et qui affecte toutes les institutions de la République – l’Assemblée Nationale n’est pas épargnée – et dont l’issue demeure jusque-là incertaine, ne serait pas de nature à favoriser la tenue de ces consultations nationales. Et cela conduirait indubitablement une fois de plus à une prorogation tacite du mandat des élus du peuple. Une prorogation qui n’a pas besoin de gymnastique d’autant que la rallonge en cours est valable jusqu’à «la mise en place de la prochaine législature»!
Pourtant, l’organisation de ces consultations aussitôt après les présidentielles aurait peut-être donné lieu à un scénario qui verrait le Mouvement Patriotique du Salut (MPS), le parti au pouvoir et ses alliés remporter la majorité des suffrages puisqu’ils viennent de convaincre plus de la moitié de l’électorat tchadien, si l’on s’en tient aux résultats de la présidentielle, ils pourraient en faire autant. Ce qui aurait permis au parti au pouvoir de conserver toujours la majorité à l’Assemblée. Une majorité nécessaire à la mise en œuvre du programme politique du Chef de l’Etat élu. Ça serait également l’occasion pour le parti au pouvoir de remettre de l’ordre dans ses rangs au niveau du palais de la Démocratie après les nombreux soupçons de malversation portés contre le Président de l’Assemblée Nationale, Dr Haroun Kabadi Jacques.
Hélas ! Avec la crise actuelle, un tel scénario ne saurait se réaliser si les élections législatives venaient à se tenir. Au cas échéant, un second scénario se produirait. L’incapacité du gouvernement à juguler la crise et bien évidemment à traduire dans les actes son programme politique pourrait incontestablement jouer en défaveur de la mouvance présidentielle. Surtout que les mesures d’austérité prises par l’équipe gouvernementale sont mal digérées par la population qui prendra désormais des précautions. Ainsi, la majorité pourrait basculer du côté de l’opposition. Cela risquerait fort bien de contraindre parti au pouvoir de composer avec celle-ci.
Mais en attendant que l’un ou l’autre scénario ne se produise, les locataires du Palais de la Démocratie continueront à conserver leur fauteuil aussi longtemps que durera la crise. Porteront-ils toujours la voix du peuple surtout que le mandat pour lequel ils ont été désignés est déjà arrivé à terme ? Là, c’est un autre débat. Mais une chose est néanmoins sure. La crise est bien réelle. Tant qu’il n’y a pas d’argent, il n’y aura pas d’élection. Alors chers honorables ! Tenez- vous prêts, c’est parti pour un mandat à durée indéterminé. Bon vent!
La Rédaction