Edito

« Moto – moto »

« Moto – moto » 1

Avant la trêve estivale, votre hebdomadaire a alerté sur le risque d’un retour de « la saison des massacres » (Lire Le Pays n°126 du 29 juillet au 26 août 2019). Dans l’éditorial, nous nous alarmions sur le fait que les germes d’une guerre civile sont installés parce que le pouvoir a échoué à construire l’unité des fils du Tchad.
La suite des évènements nous a donné raison. Quelques jours après notre parution, le chef de l’Etat annonce lui-même au cours de la conférence de presse qu’il a donnée, que 27 compatriotes ont été tués dans des affrontements intercommunautaires. Idriss Déby annonce qu’il se rendra lui-même sur place pour s’en occuper. C’est ce qui fut fait avec le dérapage verbal que ses services de communication puis le gouvernement ont tenté maladroitement de rattraper. Mais personne n’est dupe pour ne pas comprendre que cette sortie a permis à tous de réaliser la vraie nature de celui que nous avons comme chef.
Procéder par la hussarde a toujours été dans l’Adn du pouvoir Déby. Cependant, tout observateur averti ne perdra pas de vue le fait qu’au Ouaddaï et au Tibesti, le pouvoir fait face à un mécontentement lié à la désignation d’un nouveau sultan et de l’exploitation de l’or, qu’il cherche à écraser et les tueries de nos compatriotes sont une occasion pour résoudre à la fois plusieurs problèmes.
Ainsi, les provinces du Ouaddaï, du Sila et opportunément du Tibesti se retrouvent en « état d’urgence » avec des restrictions susceptibles d’ouvrir la voie à tous les abus et règlements de compte. A peine instaurée, l’état d’urgence a rendu piétons de dizaines de motocyclistes dans la région du Sila. Ceux-ci ont été dépossédés de leurs biens au cours d’une fouille matinale alors qu’il est question d’interdire plutôt la circulation de ces engins à une certaine heure. Un coup dur pour cette région où les motocyclettes sont avec les ânes, les vrais moyens de locomotion pour les paysans qui se rendent au champ. En plus de ne plus pouvoir se rendre aux champs, les populations de ces contrées, très dépendantes des pays voisins, souffriront de la fermeture des frontières. Finalement, qu’aura-t-on résolu ?
Rien, sinon d’avoir accentué les souffrances des populations dont les préoccupations quotidiennes sont à des années lumières de la politique politicienne. Ce dont ces populations ont besoin, c’est d’une bonne justice qui donne leur droit à la veuve et à l’orphelin et non des administrateurs civils et militaires mus par l’appât du gain qui entretiennent les conflits entre communautés et nuisent ainsi au mal vivre. C’est contre ces pratiques que le gouvernement doit aller en guerre et non livrer sa population à des prédateurs. En cette fin du mois d’août, dans les campagnes de l’Est et du Nord du Tchad, on entendra souvent du «moto, moto » et les mélopées auront un air aussi triste que chez les fans de DJ Arafat, l’artiste ivoirien qui sera enterré ce 31 août.

La Rédaction