Les propos du président de la République relatifs aux conflits intercommunautaires dans les provinces du Ouaddaï et du Sila ont provoqué une volée de bois verts pendant que la présidence tente de rattraper ce qui est manifestement une faute de communication.
« La direction générale de la présidence de la République note avec regret que le message livré par le chef de l’Etat relatif à la multiplication des véritables massacres intercommunautaires dans certaines provinces du pays, fait l’objet d’une folle spéculation attisée par la diffusion partielle d’extraits isolés des propos présidentiels », pouvait-on lire ce lundi sur le site de la présidence.
Ce communiqué est une réponse aux réactions indignées des partis de l’opposition et de la société civile, au nombre desquels l’Union sacrée pour la République (Uspr) qualifie de « permis de tuer » le message de Déby à l’endroit des forces de sécurité selon lequel « S’il y a encore des conflits entre arabes et ouaddaïens, et entre Mouro et Dadjo, vous tuez ici, et vous tuez là-bas. (…) Vous tuez dix de chaque côté afin de sauver la majorité » et, « Après trois sommations, si un assaillant ne s’arrête pas, tuez-le » ; et la Convention tchadienne pour la défense des droits de l’homme (Ctddh) qui enfonce le clou, parlant d’une déclaration « irresponsable et extrêmement dangereux (…) révélatrice de l’état d’esprit d’un individu pour qui la vie n’a jamais compté ».
La direction de la communication qui s’insurge contre ces réactions, rappelle que c’est après une descente sur le terrain et une évaluation de la situation que le chef de l’Etat a décidé de l’instauration de l’état d’urgence dans le Ouaddaï, le Sila et le Tibesti, le désarmement des civils, la fermeté judiciaire et a ordonné aux forces de défense et de sécurité d’user de tous les moyens, y compris la force armée, pour mettre un terme à des affrontements en cours lorsque les belligérants refusent d’obtempérer aux sommations légales. Pour la direction de la communication, c’est une « instruction présidentielle de bon sens » qui ne saurait être interprétée comme un « permis de tuer » mais plutôt un ordre « d’user des procédures et de tous les moyens en derniers recours pour stopper des tueries en cours perpétrées par des hommes armés ».
Mais pour l’Uspr, les propos du président sont « les signes avant-coureurs » d’un génocide » et appelle tous les acteurs politiques et les organisations de défense des droits de l’homme à observer avec vigilance et à documenter « chaque mort par balle » dans les provinces du Ouaddaï et du Sila. La Ctddh voit pour sa part, la déclaration de Déby comme une carte blanche donnée aux « militaires analphabètes sans foi ni loi de se livrer à des massacres gratuits et extrajudiciaires » et attribuera au chef de l’Etat la responsabilité « du génocide qui se prépare ».
La Direction de la communication de la présidence réfute ces interprétations qui dénotent selon elle soit « de la mauvaise foi, soit une méconnaissance des réalités du terrain ». Le président de la République est le garant de la sécurité des Tchadiens et de leurs biens, et « personne n’est mieux placé pour lui donner des leçons en la matière », conclut-elle.
Ngaralbaye Mickaël