Edito

L’état de la nation

L’état de la nation 1

N’Djaména a abrité la semaine dernière une série de réunions organisées par les instances en charge des finances de la sous-région. Des réunions qui visaient à promouvoir de nouvelles règlementations en matière de monnaie électronique mais aussi faire le point sur l’état de l’économie de la communauté économique des Etats de l’Afrique centrale. Globalement, on annonce un retour de la croissance. Pour le Tchad, il est de +3%. Ce qui n’est pas mal. Sauf qu’au quotidien, le Tchadien lamda se demande à quoi servent ces chiffres quand les manifestations de l’appauvrissement sont de plus en plus visibles. Il suffit d’observer la fébrilité avec laquelle les fonctionnaires se ruent dans les banques à chaque notification d’un virement pour réaliser que le salaire attendu avec autant d’impatience ne servira qu’à soulager pendant un laps de temps, une diète qui ne dit pas son nom. Les syndicats, toujours dupés mais toujours lucides l’ont pointé il y’a dix jours. La pauvreté des travailleurs va s’accentuer. Ils auront de plus en plus de mal à se nourrir et se soigner parce que leurs salaires sont gelés depuis deux ans sachant qu’ils ne sont pas à l’abri d’une dévaluation du Francs Cfa, toujours démentie, mais de plus en plus imminente qui aura pour conséquence la réduction de leur niveau de vie. Que dire des paysans dont le niveau de vie est des plus lamentables et qui subissent les affres de conflits entre agriculteurs et éleveurs ponctués d’injustices qui ne font qu’accroitre la colère ? Et ces communautés à qui on impose ici un chef, là un administrateur dans le seul but de les opprimer et non les servir ?
C’est dans ce contexte que le pouvoir pousse la Ceni à organiser d’ici cinq mois des élections législatives. Que diront les candidats du pouvoir aux populations qui assistent à une désagrégation de l’Etat au quotidien ? Il est vrai qu’Idriss Déby a réussi par la brutalité et la corruption à infantiliser l’opposition (et les journalistes aussi en passant), mais son message est devenu inaudible et son procédé tellement inélégant que même au sein de la majorité, la contestation gronde. Lorsqu’on en arrive à manigancer une bagarre pour humilier ses adversaires, lorsque dans son camp, le moindre avis contraire vous expose aux pires avanies, la politique tombe aux ras des pâquerettes. C’est d’ailleurs parce qu’il en est conscient qu’il multiplie des départements dans le nord du pays pour s’assurer un nombre important de députés dans des territoires très peu peuplés. Jusqu’où ira-t-il avec une telle logique qui est tout, sauf démocratique ? Assurément pas loin mais entretemps, il aura tiré le pays et ses élites vers les abysses. Telle est l’état de la nation en ce mois d’aout qui marquera les 59 ans de notre indépendance dont plus de la moitié a été consacré à tout, sauf l’essentiel.

La Rédaction