La dialyse qui est un traitement médical pour débarrasser le sang d’un malade d’insuffisance rénale de ses déchets toxiques par filtration, permet aux patients dont les reins sont hors d’usage de vivre. A cause de diabète, d’hypertension ou de tumeurs, environs 50 à 60 personnes sont consultées et/ou dialysées par semaine à l’unité d’hémodialyse de l’hôpital général de référence nationale de N’Djaména. Si l’hémodialyse donne de l’espoir aux malades, elle a aussi un très lourd impact sur la vie. Reportage
Mardi 9 juillet à 09h du matin à l’Hôpital général de référence nationale (Hgrn) de N’Djaména, les patients sont allongés sur des lits d’hospitalisation aux draps immaculés à l’unité d’hémodialyse. Les bouches sèches avec des nausées intenses, ils se battent pour la vie et sont isolés du monde. Dans la cour, les parents aux visages attristés attendent soit la sortie d’un parent placé sous la dialyse ou soit l’entrée d’un autre pour son suivi. Dezoumbé Mabaré, un quinquagénaire dont les reins ne fonctionnent plus depuis 2018 est habitué à aller avec un moral d’acier se faire dialyser deux fois par semaine par le Dr Ibrahim Mahamat, Néphrologue en charge du service d’hémodialyse, ouvert au sein de Hgrn depuis 2011. « Avant d’entamer la dialyse, j’ai eu des pieds enflés que je n’ai pas traités très vite, ce qui m’a bousillé les reins. Depuis 2018, je suis ici, on me soumet deux fois par semaine sous dialyse pour me permettre de vivre encore. Je me sens mieux malgré qu’il arrive que les machines fassent leurs caprices. Dieu merci, je suis encore debout même si je mange difficilement, je me soumets toujours au régime que m’a prescrit le médecin. Surtout je bois assez d’eau et c’est ce qui me maintient », raconte difficilement Dezoumbé, visiblement très fatigué et affaibli par l’insuffisance rénale phase terminale dont il souffre depuis plus d’une année. Dans la même salle, cinq autres patients dialysés, sont allongés, couverts des draps. En les regardant, on ne peut qu’avoir de la commisération pour eux. Très affaiblis, certaines ne pouvant parler, ils sont sous la surveillance des infirmiers qui ont l’œil attentif aux machines pour suivre l’évolution de leur traitement. « Ma mère est sous dialyse depuis plus de trois ans et j’avoue que ce n’est pas facile pour nous ses enfants et pour elle-même. L’insuffisance rénale en phase terminale est une maladie qui réduit une vie à néant puisque la personne atteinte ne peut rien faire comme travail mais dépend uniquement des autres. Et elle est coûteuse », indique un garde malade.
Les difficultés que rencontrent les patients
Bien que l’Etat tchadien ait rendu la dialyse gratuite, il faut retenir que le patient doit débourser au moins 50 000 francs Cfa par mois pour son traitement s’il est un diabétique ou hypertendu. « C’est lourd comme budget pour un tchadien au vu de notre salaire minimum interprofessionnel garanti (Smig) qui n’est pas au-delà de 65 000 francs Cfa», déplore Dr Ibrahim Mahamat. Et les patients sont unanimes sur ce point. « Un pauvre ne peut jamais se faire soigner à la dialyse vu ce montant à débourser par mois juste pour les médicaments », s’offusque dame Mariam venue de Sarh, au Sud du pays pour les consultations.
Rappelons qu’au vu des ressources humaines très limitées, l’unité d’hémodialyse ne donne que deux consultations par semaine aux patients qui sont hors dialyse. «Les mardis nous recevons les patients qui viennent pour la première fois en consultation. La plupart des temps, nous consultons entre 20 à 30 patients. Les jeudis, nous recevons les patients connus et qui sont suivis par nos soins pour insuffisance rénale. Le nombre varie aussi entre 20 et 30 patients. Ce qui fait que pour une semaine, nous consultons environ 60 patients. Et hormis les jours des consultations, les autres jours sont consacrés pour les patients dialysés. Mais aussi, pour les patients complètement déstabilisés, nous les hospitalisons », explique le néphrologue Ibrahim Mahamat. Il ajoute par ailleurs qu’une personne qui, pour la première fois souffre d’une insuffisance rénale chronique, les soignants essaient de la scarifier en fonction du stade de développement de sa maladie en lui donnant un programme de suivi et l’informe sur le risque de sa maladie puis il est conseillé sur son régime alimentaire et sur l’observance thérapeutique. « Souvent c’est l’observance thérapeutique qui pose problème. Quand nous prescrivons des médicaments aux patients, la plupart ne suivent pas le traitement. Certains préfèrent même aller chez les marabouts qui ne sont que des vendeurs d’illusion alors que c’est le rein qui est dysfonctionnant donc qui est en train de se perdre. Ce qui constitue un véritable problème pour le bon suivi du malade », regrette-t-il. Et de poursuivre que la plupart des malades qu’il reçoit ont déjà l’insuffisance rénale avancée. « Les gens arrivent à l’hôpital que quand l’état de leur santé se dégrade. Ce qui fait que tous ceux qui arrivent à l’unité d’hémodialyse pour les consultations ont déjà l’insuffisance rénale phase terminale », ajoute-t-il.
De la place limitée pour les personnes à dialyser
Devant l’unité d’hémodialyse, une vingtaine de patients, uniquement des nouveaux arrivants attendent avec impatience leur tour de consultation avec des tickets numérotés puisqu’il n’y a que Dr Ibrahim. Alors qu’il y a certains sous dialyse déjà dans la salle « Je suis arrivé de Douala pour me faire consulter car mon médecin traitant m’a référé ici à Hgrn pour des consultations. Là, on m’a fait comprendre que je dois être sous dialyse », témoigne un quadragénaire déjà très affaibli qui explique que cela fait un bon bout de temps qu’il souffre mais n’a pas eu des moyens suffisants pour venir à N’Djaména se faire soigner à la dialyse. Pour tout ce nombre, l’Hôpital général de référence nationale a des places très limitées puisqu’il ne dispose que huit machines pour la dialyse. L’unité d’hémodialyse de l’hôpital de Renaissance, elle, coûte chère. Et d’ailleurs, pour toutes les deux unités (Hgrn et Renaissance), il y a moins de 20 machines pour une population de 15 millions d’habitants. « Imaginez que le Tchad a un besoin annuel de 2 000 à 3 000 patients à dialyser. Voyez-vous le gap qui reste à combler ? C’est difficile de voir mes patients au stade terminal alors que je n’ai pas de la place pour les mettre. C’est donc de la souffrance psychologique chez le patient, les parents et chez moi le médecin », raconte Dr Ibrahim.
Selon lui, une étude publiée dans le journal scientifique de néphrologie en 2015 fait ressortir que l’insuffisance rénale constitue environ 10% des hospitalisations. « Depuis l’ouverture de ce service en 2011, on a une fiche de suivi d’environ 600 personnes. Ces personnes sont étiquetées ’’insuffisance rénale’’. Nous les suivons en fonction de leur degré d’atteinte d’insuffisance rénale. Il faut noter que la maladie à 5 stades. Ici à Hgrn, il y en a qui sont au stade 4 d’autres au stade 3. Donc nous planifions leur suivi selon le stade et l’évolution de la maladie », clarifie-t-il. Il poursuit par ailleurs qu’au Tchad, il y a des centaines de personnes atteintes d’insuffisance rénale parmi lesquelles on dénombre une cinquantaine des dialysées. « Ce sont des patients qui sont là bloqués sous la machine deux fois par semaine et 4 fois par séance », conclut Dr Ibrahim Mahamat.
Sabre Na-ideyam