Réalisateur de bandes dessinées et de magazines, illustrateur de livres, caricaturiste de presse… C’est dans un cercle restreint que l’artiste Mahamat Djamadjibey évolue. De son nom d’artiste Djam’s, le jeune caricaturiste possède une sensibilité, un talent hors norme. Ses œuvres sont la somme et le reflet de son Tchad natal. Portrait :
Doté d’un sens élevé de l’humour, Djam’s s’en sert tous les jours. Tout est parti d’une histoire de passion. Très jeune, Djam’s est piqué par le virus du dessin. Il reproduisait les planches de Tintin au Congo, Asterix et Obélix et ou les aventures de Kouakou… Il dessinait pour lui, pour son plaisir ne sachant pas que le crayon allait bouleverser sa vie quelques années plus tard. Vers les années 2000, il prendra part à l’atelier de formation en technique de bandes dessinées organisé par le français Gérard Leclerc sous le label ’’Atelier Bulles du Chari (ABC)’’ à N’Djamena. D’autres formations organisées par le Centre Culturel Français de l’époque (Ccf), devenu Institut français du Tchad (ift). Le Ccf était un cadre idéal pour les passionnés de cartoons. La même année il travaille comme pigiste au Miroir, le premier journal satirique, qui par manque de moyen a fini par disparaître un moment au Tchad. En 2007, il a suivi une autre formation, cette fois en peinture et calligraphie destinées aux personnes handicapées organisée par l’atelier ’’Prince d’Art’’ du nom de son initiateur Prince, lui-même handicapé. Il faut rappeler que Djam’s clopine du pied gauche. Ces formations lui ont servi de tremplin pour sa jeune carrière.
En plus de ses caricatures qui font la Une des journaux, Djam’s a réalisé un nombre varié de travaux avec les organisations tant nationales qu’internationales telles que l’Afd, l’Unfpa, le projet Swedd +Tchad, la Banque Mondiale, l’Unicef. Il a aussi participé à la réalisation de la BD collective ’’Demain il fera jour’’ sur les pillages pendant les évènements du 2 au 3 février 2008 à N’Djamena. Certaines fresques murales du Lycée Félix Eboué sont aussi ses œuvres. La passion de Djam’s a fini par être un combat, une cause. En 2008, le caricaturiste se penche plus vers le dessin de presse. Il travaille avec plusieurs journaux de la place. Mais c’est à N’Djaména Hebdo, dont la spécialité de la Une est basée sur la caricature que Djam’s est le plus présent, ensuite au Tchadinfo.com le journal en ligne où l’artiste signe ses chroniques avec le fameux ’’L’œil de Djam’s’’, puis dans votre hebdomadaire Le Pays. Les caricatures de Djam’s permettent de refléter les travers des politiques par l’humour, il en fait une cause. En accord avec la rédaction du journal, les dessins de Djam’s à travers son regard sur l’actualité font rire mais aussi réfléchir. Ces dessins mettent en avant la particularité physique d’une personne et d’une légende afin d’amplifier l’effet comique attendu. Par exemple lorsqu’il dessine la pantoufle du président Deby… L’artiste dit n’avoir pas peur des représailles quelconque. «Je n’ai pas peur de dessiner. Parfois certains responsables de journaux ont peur de publier mes caricatures en s’autocensurant eux-mêmes à cause de la liberté d’expression qui est restreinte au Tchad», lance-t-il.
Mais comment vivre du crayon dans un pays comme le Tchad ? «Être caricaturiste, avoir les idées, le crayon, la feuille blanche ou la tablette numérique ne suffissent pas, il faut également l’argent. Parfois on ne me paie pas. Et certains journaux avec la crise dans les médias font rarement appel à mes services. En ce moment je collabore avec 2 ou 3 organes, ça ne permet pas de vivre», nous confie Djam’s. Mais l’artiste n’entend pas abdiquer, lui qui est incontestablement l’un des meilleurs dans ce domaine. «Mon rêve c’est de faire en sorte que les Tchadiens comprennent le rôle des caricaturistes dans la société, celui de corriger les mœurs par le rire. J’aimerai bien créer un journal satirique dans l’avenir», poursuit-il. Cependant, il faut rappeler que le métier de caricaturiste est sous-estimé dans le continent et particulièrement au Tchad. Il n’y a pas d’évènement autour du 9ème art. La première et dernière édition du festival des dessins de presse de N’Djamena en 2008 est une grande perte pour le métier. Il y a de moins en moins d’expositions dédiées à ce domaine. Certains caricaturistes obligés, quittent le pays pour d’autres cieux. Ceux qui sont encore au Tchad sont comptés au bout du doigt. Un message que Djam’s voudrait faire passer aux plus jeunes qui veulent s’essayer dans la caricature : «il faut être patient avant tout ! Mais aussi et surtout lire, écouter, observer, et décrypter. Il faut avoir une bonne culture générale et ne rien négliger ».
Deuhb Emmanuel