Partout dans le monde entier, la date du 11 mai est célébrée par les mélomanes avec éclat surtout ceux du rythme reggae. Le festival de musique reggae, Afro’On, qui s’ouvre aujourd’hui vendredi 10 mai 2019, dans la capitale tchadienne s’inscrit dans cette optique. Le 11 mai rappelle, en effet, la date du décès du célèbre chanteur Robert Nesta Marley dit Bob Marley.
Si le 11 mai est légitimement consacré à la célébration du reggae, il est aussi devenu une journée de tous les vices liés à ce style de vie. Consommation de drogue et d’alcool, sexe à outrance, etc… « Ce n’est pourtant pas l’essentiel de la lutte et des messages véhiculés par Bob Marley. De lui, la jeunesse africaine doit apprendre autre chose qui la fasse grandir », explique Abgué Boukar Christophe alias Guevara, directeur artistique du festival de musique reggae Afro’On.
Bob Marley, de son nom d’artiste, est né le 06 février 1945 dans un hameau de l’un des pays le plus pauvre de l’Amérique du Nord encore sous domination britannique. Il grandit presque sans père dans des conditions qui le prédestinaient à la misère. Fils d’un commis britannique blanc et d’une paysanne jamaïcaine noire, Bob découvre très tôt la difficulté d’être métis et le monde misérable des ghettos de Kingston (Capitale de la Jamaïque) où se concentrent la pauvreté, les crimes, la délinquance et les stupéfiants.
Comment a-t-il pu émerger dans ce milieu funeste avec la discrimination raciale, la ségrégation et l’exclusion. Comment a-t-il pu oser prôner le panafricanisme au moment où régnaient les dictatures en Afrique et le régime d’apartheid de l’Afrique du Sud?
Voilà des questions que devraient se poser chaque jeune à chaque 11 mai, indique Ricardo Labe Nanadoumngar, animateur culturel. « Au-delà du tintamarre des cabarets, boîtes de nuit et autres shows en plein air, la jeunesse africaine doit apprendre à se départir des fosses idées qui la désorientent et compromettent son avenir. Elle doit se rappeler qu’elle est le fer de lance du développement d’une Afrique en mouvement et en plein essor », explique-t-il.
Les messages véhiculés par Bob Marley vont au-delà de la consommation de stupéfiants. C’est entre autres, le courage, la lutte contre les injustices, l’engagement, l’amour du travail. Ce sont d’ailleurs des maux qui minent le pays de Toumaï et dont Afro’On festival en fait son objet de lutte depuis deux ans, commente Guevara.
Le reggae, un engagement, une responsabilité
Le bouc émissaire désigné chaque fois comme responsable de l’état de laissé-pour-compte de la jeunesse tchadienne est soit le colonisateur, soit les politiciens ou encore le système éducatif. N’est-il pas trop facile d’accuser les autres et de les prendre pour responsables de notre situation? N’est-il pas temps que la grande et dynamique jeunesse du pays de Toumaï apprenne à faire le bon discernement?
Les messages de Bob Marley sont les résultantes des difficiles conditions de vie et du traitement inhumains du colon blanc. L’on peut donc comprendre que son style musical particulier et ses dénonciations passionnent les jeunes en quête de justice, d’équité et de vérité. Mais pourquoi, plutôt que de mettre en exergue ces valeurs, de s’inspirer de son parcours atypique parsemés d’embuches, la plupart des jeunes réduisent cette fête du reggae à des comportements malsains, à la consommation des stupéfiants, nuisibles à leur santé?
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Afro’On ne peut prétendre être un festival où, la question de la jeunesse doit être banalisé mais doit être dit afin que chaque jeune prenne conscience et son destin en main afin d’aspirer à un véritable développement.
S’inspirant du roi du Reggae, la jeunesse tchadienne devrait apprendre à se battre pour se repositionner au regard des enjeux de mondialisation et en dépit du contexte socioéconomique et politique du Tchad. Ce repositionnement passera inévitablement par un changement de mentalités et par ricochet, de manières de faire. « Nous avons beaucoup de choses à reproduire chez Bob Marley qui a su se faire hisser en un temps record et dans des conditions misérables au firmament de l’arène mondiale du showbiz. Et pourtant, il était jeune comme nous et a pu laisser une empreinte indélébile depuis les années 1980 à nos jours », indique Naftaly, reggaeman ivoirien invité du festival.
Pourquoi les jeunes tchadiens ne peuvent pas apprendre de lui autrement qu’en le déshonorant (Bob Marley)? Qu’il ait fait la triste expérience des joints ou de cocaïne, responsables de cancer, mais rien ne dit qu’il recommencerait une telle vie s’il en avait l’occasion. Avouons qu’il est malheureux que de nombreux reggaemen et jeunes s’inspirent uniquement des mauvais pans de la vie du grand Marley. Rendons-lui hommage autrement par une vie qui donne un sens à son noble combat. Vivement que le Festival Afro’On soit ce guide pour la pérennisation des acquis laissés par Bob Marley, bien qu’encore jeune comme festival.
Sabre Na-Ideyam