Yahawa Ngabia, la grand-mère courage de Kilérom
Nous publions ci-dessous l’article de notre collaborateur Boudina David qui a reçu le 1er prix lors de la 1ère édition du prix Oxfam en journalisme ‘’Pour un Tchad sans faim et sans pauvreté’’. L’article a été publié dans la version papier de votre hebdomadaire Le Pays n°107 du 19 au 25 novembre 2018.
A 67 ans, Yahawa Ngabia devrait aspirer à une vie de grand-mère. Mais la vie lui a réservé autre chose. Obligée d’élever ses petits enfants dont les parents ont été tués lors des incursions de Boko Haram sur les îles du Lac Tchad. Portrait.
Le vent frais de cette matinée de novembre balaye le visage balafré et couvert de cernes de Yahawa, assise devant ses tas de fagots. Brahim, le plus jeune de ses petits-enfants joue. Derrière ce regard perdu, se cache une vie d’épreuves. Un mari, un enfant tué par les islamistes sur l’île de Gouya une nuit de l’année 2015. Une attaque qui l’a obligée à s’enfuir sur une longue distance avec ses petits-enfants avec pour seule fortune, un bidon d’eau.
A Kilerom où elle a été recueillie, elle essaye de reconstruire sa vie s’appuyant sur la solidarité de sa communauté et des Ongs notamment Oxfam.
Confiant ses petits-fils aux voisins, elle se rend chaque matin en brousse pour chercher du bois sec qu’elle revend. Cette activité dure deux ans avant l’arrivée de l’Ong Intermon Oxfam à Kilérom. Admise comme bénéficiaire des subventions qu’offre l’organisation pour permettre aux personnes déplacées de se prendre en charge, sa condition s’est améliorée. « Oxfam m’a remis une somme de 75 000f. Cet argent m’a permis d’améliorer ma condition de vie. J’achète et je revends le charbon au lieu d’aller couper moi-même le bois pour en fabriquer », confie Yahawa, couverte dans son voile blanc, tacheté du marron. « J’étais au bout de mes efforts. Si Oxfam n’était pas arrivée, je ne saurais m’en sortir avec mes petits fils », ajoute-t-elle.
L’activité de Yahawa augmente. Elle se rend dans d’autres contrées pour vendre du charbon. Daboua au Tchad et Blabline au Niger. Un trajet qui se fait à pied en trois heures de marche. Ce qui n’est pas un grand souci pour la veuve qui a retrouvé le gout à la vie. Malheureusement, c’est une joie menacée car, après l’attaque de l’île de Kaïga-Kindjiria en octobre par les djihadistes, la vente du charbon est interdite au Niger par les autorités nigériennes. Ce qui limite son champ d’action.
« Grâce à l’argent d’Oxfam, j’ai pu vêtir mes petits-enfants et maintenant, nous parvenons à manger deux repas par jour », se réjouit-elle. Comme Yahawa, de nombreuses victimes des atrocités des islamistes essayent de refaire leurs vies. « Que Dieu protège cette Ong, elle a fait des forages qui nous fournissent de l’eau potable. Grâce aux “clubs de mamans”, le taux de malnutrition des enfants a considérablement diminué », se réjouit-elle.
En effet, Oxfam intervient dans plusieurs domaines, à savoir la distribution des céréales, de semences, des intrants ainsi que l’appui à la production maraichère à travers la distribution des kits et semences maraichers, le renforcement des capacités techniques des producteurs maraichers, des moulins, des produits d’élevage. Sans oublier les formations aux forages, aux puits ouverts, aux aménagements des irrigations, aux clôtures des périmètres… S’ajoutent à ces activités, l’appui à la reconstitution sociale du cheptel à travers les distributions des petits ruminants, l’appui à la mise en œuvre des activités génératrices de revenus, le renforcement des capacités techniques des para-vétérinaires. Oxfam réalise ces œuvres grâce au financement de son partenaire “Echo”, un bureau d’aide humanitaire de l’Union Européenne. Dans ce projet intitulé « appui à la sécurité alimentaire et à la protection des moyens d’existence des personnes vulnérables », l’organisation aide à couvrir les déficits de survie et de protection des moyens d’existence et à renforcer la sécurité alimentaire et nutritionnelle des ménages très pauvres dans la zone d’intervention pendant les périodes de soudure. « Cela consiste pour nous d’apporter une réponse appropriée et adaptée aux besoins humanitaires causés par des mouvements de populations et partant, réduire les risques et diminuer la vulnérabilité des populations aux chocs », justifie Djendogonodji Modeste, chef d’équipe de département sécurité alimentaire et moyens d’existence à Oxfam.
« Notre objectif c’est d’aller au-delà de la fourniture d’eau et de nourriture sur les lieux de crise, en travaillant en amont avec les communautés pour construire leurs capacités de résilience aux chocs », précise le responsable d’Oxfam. Pour redonner du sourire à d’autres cabossés de la vie comme Yahawa Ngabia…
Boudina David, de retour de Daboua