En finir avec nos hypocrisies
Ce n’est en vérité pas une surprise. Tous le monde savait que l’adoption de la loi constitutionnelle portant 4ème République allait passer comme lettre à la poste. Ni les protestations conjuguées de l’opposition, de la société, ni le recours en annulation introduit ce 2 mai 2018 par 26 députés de l’opposition devant le conseil constitutionnel n’empêcheront la mise en place de la 4ème République voulue par le « constituant », dixit Moussa Kadam.
Idriss Déby Itno sera donc seul, constitutionnellement, au gouvernail du navire Tchad et assuré de ne pas être perturbé par un quelconque contrepouvoir. Sa nouvelle constitution le lui garantit. Mais en vérité, l’adoption de la loi constitutionnelle de ce 30 avril ne consacre en vérité qu’un état de fait : un pouvoir aux mains d’un seul homme qui, en 28 ans a eu le temps d’écarter par petites touches, d’éventuels objecteurs et s’est constitué une clientèle politique, à lui dévouée, lui obéissant au doigt et à l’œil.
Une situation qui ne serait pas arrivée si, au fil des ans, divers acteurs, politiques comme de la société civile n’avaient, au nom d’une certaine « fragilité du pays » accepté de petites injustices et fait des concessions au nom d’une paix qui, de toute façon était armée.
Ainsi, elles ont fini par perdre toute capacité opérationnelle et se sont retrouvés réduits à de simples institutions qui ne luttent que par des communiqués de presse et incapable de constituer la moindre masse critique. Résultat : les populations qu’ils ont appelé à sortir « massivement » ce 30 avril pour faire pression sur les députés ont brillé par leur absence. La forte présence de la police dès le point du jour aux abords du palais de la démocratie ne justifie pas entièrement le non-respect du mot d’ordre. Il faut l’admettre pour avancer, ni les associations ni les partis politiques ne disposent aujourd’hui d’appareils à même de mettre à mal le pouvoir. Et la fermeture du jeu démocratique n’est pas la seule explication. Ils ne travaillent pas à former des militants sur qui ils pourront compter pour passer des mots d’ordre et surtout passer à l’action.
L’autre leçon de cette marche vers la 4ème République est l’algarade qui a opposé le prélat catholique à l’exécutif relayé par la société civile à lui acquise. Si l’église se fait rabrouer aujourd’hui, c’est aussi parce qu’elle a, à un moment accepté de fermer les yeux sur un état de fait, espérant peut-être, on peut le concéder, un changement. Chasser le naturel, il revient au galop. La vraie nature du pouvoir s’est révélé quand elle a osé porter la moindre critique sur la façon dont le processus menant vers la 4ème République est mené.
Aujourd’hui, toute la société doit se rentre à l’évidence. C’est pour avoir fait semblant, refusant d’assumer nos responsabilités individuelles et collectives que nous en sommes arrivés là. Il nous reste, pour les jours et les semaines à venir, à réapprendre à devenir citoyen d’un pays où nous sommes censés être libres et égaux en droits et devoirs. Sinon, ce sera : Bienvenu en 4ème République !
La Rédaction