Haggar, Bâchir et Djadallah, des hors-la loi!
Quand les autorités en charge de la protection de l’environnement confondent réglementation et interdiction formelle, l’application de leurs décisions posera certainement des problèmes.
Pendant la semaine où l’attention de beaucoup des Tchadiens était fixée vers le Palais de la démocratie pour suivre l’évolution du processus de la mise en œuvre des reformes issues du controversé forum national inclusif, qui avance aux pas des géants, le ministre de l’environnement, Sidick Abdelkérim Haggar s’entoure de ses collègues de la sécurité Ahmat Mahamat Bâchir et de la défense Bichara Issa Djadallah, pour renouveler l’engagement du gouvernement pour la protection de l’environnement. Quatre arrêtés ont été annoncés à cette occasion. Dans leurs interventions, les trois membres du gouvernement ont tenté de convaincre que les textes relatifs à la protection de l’environnement dans leur ensemble, particulièrement les lois N°14 du 17 août 1998 définissant les principes généraux de la protection de l’environnement et N°14 du 10 juin 2008 portant régime des forêts, de la faune et des ressources halieutiques comportent des insuffisances et des lacunes qui laissent perpétuer des comportements nuisant à l’écosystème. Les mesures qui consistent à préserver l’environnement, notamment l’arrêté portant interdiction du transport et de la commercialisation du bois-énergie sur le territoire national laisse pantois. Elles comportent des incongruités aussi bien dans le fond qu’en la forme. Sous un ton tenace, le ministre de l’environnement a brandit les arrêtés portant respectivement interdiction de transactions relatives aux infractions commises en matière de forêt, de la faune et des ressources halieutiques et celui portant abrogation de six (6) arrêtés portant création des zones homologuées pour l’approvisionnement de la ville de N’Djaména en bois-énergie, celui portant création, d’une équipe centrale de gestion de la filière bois-énergie, d’affectation des agents chargés de l’encadrement, du contrôle et de la sécurisation des activités d’approvisionnement en bois-énergie.
Ces batteries de mesures sont à saluer si elles parvenaient à renforcer la protection de l’environnement dangereusement menacé si bien que tardives. Tous les agents des eaux, forets, pêche et chasse ainsi que tous les militaires détachés ou reversés sont rappelés à N’Djaména. Cet acte ressemble à un mea culpa. «L’administration se rend à l’évidence de sa propre responsabilité dans la dégradation de l’environnement. Ces différents services qui ont montré leur limite feront place à un commando spécialisé doté des moyens conséquents qui va protéger véritablement l’environnement», fait comprendre un connaisseur du sujet.
Les articles 72, 73 et suivants de la loi 14 portant régime de forets consacrent le droit traditionnel d’usage domestique. A l’approche de la période de labour, les agriculteurs qui défrichent leurs champs paieront, malheureusement très chers comme à l’accoutumé, les conséquences de la confusion des gouvernants. Si on s’en tient à la lettre et à l’esprit de ces arrêtés restrictifs, toutes les activités relatives à la coupe, à la commercialisation et au transport du bois sont proscrites alors qu’elles sont pourtant autorisées en partie par la loi. L’excès de zèle, rien d’autres qu’un excès de pouvoir susceptible de recours devant le juge administratif est à l’origine des édits. Mais, le ministre de l’environnement et ses collègues n’ont pas osé frôler la sensible question de la sédentarisation des chameliers dont les dromadaires qui ravagent au passage arbres, arbustes et herbes. Ce même ministère qui donne l’impression de se soucier de la protection de l’environnement continue à laisser des entreprises déverser leurs déchets toxiques dans nos fleuves et rivières des années durant. Dans le respect, de la hiérarchie des normes, un texte de valeur inférieure ne contredit pas une norme de valeur supérieure. Ainsi, une loi doit être conforme à la Constitution, un arrêté se conforme à la loi, les circulaires, directives, notes de service doivent être conformes aux arrêtés. Le parallélisme de forme exige également que seule une loi postérieure puisse abroger une loi antérieure contraire. La série des textes du ministre de l’environnement contredit les dispositions des deux lois portant protection de l’environnement, sus visées.
Quand le ministre Bachir, connu pour ses saillies hurle que «la loi sera appliquée dans toutes sa rigueur» et qu’ «avec la 4ème République, la bamboula est terminée», le pire est à craindre. C’est pourquoi, une piqûre de rappel ne sera pas du juridisme de mauvais aloi.
La rédaction