Les croyants au pied du mur
Il est peut-être tôt. Mais l’histoire parlera un jour de l’homélie du 4 février 2018. A l’occasion de ses 26 ans d’épiscopat, l’archevêque de N’Djaména, Monseigneur Edmond Djitangar a lu et fait lire dans toutes les paroisses de la capitale une homélie qui, il faut l’admettre, a retenti au-delà de la capitale.
Morceaux choisis : «En proie à une crise sociale interminable qui semble entretenue et qui fait descendre le plus grand nombre de nos concitoyens dans les profondeurs de la misère, nous risquons d’entrer dans l’impasse. Au lieu d’un dialogue sincère en vue d’une sortie de crise profitable à tous, on assiste à une escalade marquée par des menaces, des durcissements, voire l’indifférence (…) Devant la montée des souffrances endurées par les couches urbaines et rurales, certains en viennent à se demander d’où le salut viendra-t-il ? Où se situe l’église ? L’église est là, au cœur de différentes situations, particulièrement aux côtés de ceux et celles qui souffrent (…) Mais vous, nos laïcs, comment recevez-vous ces messages ? Comment vous vous organisez pour les mettre en action dans votre engagement social ou politique ? »
Deux jours avant, un autre homme de Dieu, le Cheikh Mahamat Djibrine Yamine, a dans un sermon du vendredi, relayé sur les réseaux sociaux, rappelé que la crise actuelle est la conséquence de la mauvaise gestion. «Nous nous sommes éloignés de Dieu », a conclut le Cheikh.
Selon les statistiques, 98% des Tchadiens sont des croyants. D’où vienne-t-il que dans cette nation la veuve et l’orphelin n’ont pas voix au chapitre ? Que la justice et le droit n’existent que de nom ? Que la démocratie soit un leurre ? Comment avons-nous fait pour nous retrouver dans un système politique où un seul décide pour tous ? Et face à cela, quelle société lèguerons-nous demain à nos enfants? Avec quelles valeurs ?
Assurément, la crise que le pays traverse aujourd’hui est d’abord morale et les deux hommes de Dieu ont bien fait de nous le rappeler. “L’homo Tchadensis”est aujourd’hui victime de son ego. Peu importe ce qu’il représente vraiment, il ne sait pas faire foule et méprise l’intérêt général. Une attitude qui est la résultante d’un conditionnement opéré par un système politique qui a patiemment mais méthodiquement sapé les bases, du moins ce qui restait, de la société tchadienne. Au fil du temps, la figure de réussite a cessé d’être le meilleur travailleur, le plus talentueux ou encore le plus honnête. Il faudra plusieurs tomes pour raconter de façon exhaustive ce qui a été commis comme crime économique dans ce pays. Les auteurs ? Ils trônent au plus haut sommet de l’appareil administratif et politique. Ce sont eux les modèles.
De leur position, ils ont réussi à infiltrer les milieux religieux au point où avant le 2 et le 4 février 2018, dans une bonne partie de l’opinion, pasteurs, imams et prêtres étaient la caution morale du régime d’Idriss Déby Itno qui, c’est un euphémisme, gouverne mal !
L’heure est à la remise en cause. Retrouvons notre conscience de croyants. Sans quoi, Dieu nous demandera des comptes et nos enfants aussi.
La Rédaction
