Le Tchad est confronté à un afflux des réfugié.es, retourné.es et déplacé.es internes suite aux différentes crises humanitaires qui perdurent depuis plusieurs années. Dans la région du Lac ou la violence à l’encontre de la population civile demeure à un niveau extrêmement préoccupant, le consortium Acf, Acted et Intersos intervient à travers un mécanisme de réponse rapide (RRM) financé par les bailleurs ECHO et BHA pour répondre aux vulnérabilités les plus aigües dans les zones souvent difficile d’accès. Dans cet interview, le coordinateur du consortium RRM Tokpa Gba Omer nous explique ce qu’est le projet RRM, ses réalisations depuis sa mise en place et révèle également les défis que fait face le consortium.
Parlez-nous du projet RRM ?
Le RRM est un mécanisme de réponse rapide multi-acteurs intégré au cadre humanitaire et s’aligne au HRP(Plan de Réponse Humanitaire). Il vise en priorité l’amélioration des conditions de vie des populations déplacées de moins de 3 mois (ou accessibles depuis moins de 3 mois) à la suite d’un choc (conflit armé) entraînant un mouvement de population de plus de 50 ménages (premier recours). Il peut également être déclenché en dernier recours et après consultation des clusters et autorités concernées pour répondre aux anciens déplacements (déplacés de plus de 3 mois) et aux besoins des populations affectées par un autre type de choc (épidémie, catastrophe naturelle).
Le projet RRM est constitué de trois organisations (Action contre la Faim, Acted et Intersos) qui apportent une réponse d’urgence suite à un déplacement des populations liés à un conflit armé.
Action contre la Faim (ACF) assure le lead du consortium et est chargé de la distribution des kits Nfi et des activités d’eau, hygiènes et assainissement à travers principalement la réalisation des forages /réhabilitation, l’approvisionnement en eau d’urgence, la construction des latrines et la promotion d’hygiène.
Le deuxième partenaire membre du consortium, Acted, apporte une assistance en sécurité alimentaire à travers la distribution de vivre où de cash aux ménages sur 3 mois ( en raison d’une somme de 7000 fcfa par personne présent dans le ménage et par mois ) pour leurs permettre d’avoir une certaine somme pour acheter à manger. Mais Acted ne s’arrête pas seulement là, elle assiste aussi les ménages en abri ( construction des abris de transition avec les matériaux durables c’est-à-dire la toiture en tôle ; Les abris d’urgence et les réhabilitations), pour permettre de rendre beaucoup plus agréable, les conditions de vie des personnes déplacées.
Acted prend également en charge les frais de ces constructions abris sous forme de cash work afin d’injecter l’argent liquide dans les communautés pour les aider à reconstituer leur moyen d’existence et de subsistance.
Et le troisième partenaire qui est Intersos s’occupe de tout ce qui est volet protection. Intersos intervient dans tout ce qui est appui psychosocial et , vient en aide aux victimes de traumatisme, de violences basées sur le genre en prenant en charge ces personnes et des enfants séparés (es) et non accompagnés qui bénéficient d’un kit dit kit ENA/ES et tous les enfants qui bénéficient des activités sociorecreatives. Il arrive aussi que dans ce lot de personnes, qu’il y’a des gens gravement malades qui n’ont pas les moyens d’aller dans un centre de santé, Intersos a ce petit paquet avec lequel il paye le transport de ces personnes pour qu’elles puissent aller vers les structures de santé suffisamment fourni pour pouvoir leurs prendre en charge après référencèrent.
Cette année à partir du 1er juin 2024, le consortium s’agrandit. Nous avons une ONG locale, Sos Sahel, qui nous rejoint au sein du consortium. Le consortium est dans cette dynamique de pouvoir renforcer les capacités locales, donc quoi de plus normale que de travailler avec les partenaires qui maitrisent la zone, qui ont des activités qui pourront nous permettre aussi d’améliorer notre réponse.
En trois mois à combien peut-on estimé le nombre de bénéficiaire qui ont été assisté par le projet RRM ?
A la date du 30 avril 2024, le projet mécanisme de réponse rapide a pu assisté aussi bien en protection, en sécurité alimentaire, en abris en Wash et en tout ce qui est distribution des kits Nfi, 69 007 personnes soit à peu près 12 804 ménages. Pour le moment nous intervenons dans 32 sites, mais le nombre de site va augmenter parce que nous sommes en train de faire des évaluations.
Quels sont les défis que fait face le projet RRM ?
Comme vous le savez le contexte du lac est complexe. C’est un contexte sécuritaire volatile. L’un de nos gros défis est sécuritaire, nous avons des zones de conflits armés où des personnes ont besoins urgemment d’assistance, mais malheureusement ces zones sont inaccessibles pour nous et c’est vraiment dommage.
Un autre gros défi à relever est la remonté et la confirmation des alertes, les alertes ne sont pas très vite remontées , il peut arriver qu’il y’ait un choc quelque part et c’est seulement au bout d’une semaine, que nous sommes informés . Nous avons une alerte récente qui a mis pratiquement un mois avant que le préfet ne valide. Imaginez ces personnes qui se sont déplacés suite à un choc, durant tout ce temps, elles sont restées sans assistance, sans nourriture, sans abris, sans assistance en soins de santé. Donc vous voyez à quel point cela dégrade davantage les conditions de vie de ces personnes.
Il y’a aussi un autre défi auquel nous arrivons quand même à pouvoir y remédier c’est l’accès physique dans les sites. Il y’a des zones qui sont très difficile d’accès surtout quand il pleut, il peut avoir un bras du lac qui passe justement et quand nous transportons les kits Nfi, il y’a des camions qui peuvent s’embourber et retarder l’assistance.
Votre dernier mot
Le RRM certes, apporte une réponse pendant 3 mois, mais pour ces personnes qui vivent sur le site, la vie continue après nos interventions. Que deviendront-ils après nous ? Parce que l’assistance que nous apportons ne permet pas de les autonomiser. On les donne certes des vivres et du cash mais ça c’est pour couvrir une certaine période. Il est important qu’un partenaire puisse véritablement prendre la relève pour permettre d’autonomiser ces personnes car après, si elles ne sont pas assistées, elles retomberont dans leurs conditions précaires.
L’une des choses que le consortium RRM à travers le groupe opérationnel, qui est l’un de nos organes de gouvernance est un plaidoyer pour l’autonomisation de ces personnes déplacées. Mais malheureusement ce que nous avons constaté est que, les financements au niveau mondial même ont diminué . Les partenaires qui sont dans les différentes clusters sectoriels, n’ont pas généralement la capacité de pouvoir intervenir.
Nous continuons à faire des plaidoyers auprès des autorités gouvernementales, mais aussi à travers les bailleurs de fonds pour leur dire mais écouter, il y’a encore des personnes qui sont dans une situation très difficile qui ont besoins d’une assistance, qui ont encore besoins que les bailleurs de fonds fassent encore des efforts. On sait très bien que c’est difficile, après il y’a la crise au niveau de l’Est, la crise soudanaise donc les fonds du Lac ont drastiquement été réduits. Nous faisons ces plaidoyers pour que les déplacés du Lac ne soient pas oubliés et que la crise du Lac ne soit pas une crise oubliée.