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« Le nombre de tchadiens, qui vont en évacuation sanitaire à l’étranger est un vilain baromètre qui décrit et décrie notre système de santé qui est dans une nullité déconcertante », Dr Djiddi Ali Sougoudi

« Le nombre de tchadiens, qui vont en évacuation sanitaire à l'étranger est un vilain baromètre qui décrit et décrie notre système de santé qui est dans une nullité déconcertante », Dr Djiddi Ali Sougoudi 1

Ressources humaines mal formées, mauvaise gestion des ressources financières, mauvaise qualité de l’offre de soins…. C’est indéniable, le système sanitaire du Tchad tangue.  Dans une interview accordée à votre hebdomadaire le médecin infectiologue par ailleurs enseignant chercheur à l’université de Ndjamena, Dr Djiddi Ali Sougoudi dissèque les  nombreux failles de notre système de santé  et apporte quelques pistes de solutions pour une bonne gouvernance à tous les niveaux de la pyramide sanitaire.

Malgré une volonté politique d’humaniser les soins, plusieurs comportements gangrènent encore le système de santé au Tchad. Selon vous qu’est ce qui explique cela ?

Pour vous prendre au mot, il y a certes une volonté politique de financer et de servir le système de santé tchadien mais la volonté d’humaniser n’est enseignée nulle part. Pour moi, l’autorité publique a failli en laissant les individus indélicats et les pratiques indelicates prendre la direction de la pirogue sanitaire qui tangue pour ne pas dire qui coule. Il n’y a pas de rigueur appliquée ni de rédévabilité exigée. Dans beaucoup d’institutions sanitaires, les personnes affectées défient leurs hiérarchies et font ce qu’ils veulent. C’est la  gouvernance sanitaire en général qui prend un sacré coup.

Que pensez-vous du système sanitaire du Tchad ?

Le système sanitaire est jugé par la population tchadienne qui est très amère. En effet nos compatriotes  (les patients, leurs proches ou leurs entourages) ont perdu confiance à la qualité des services de soins. Ils  préfèrent  tous se faire soigner à l’étranger. Le nombre de tchadiens (des centaines ou des milliers par an), qui vont en évacuation sanitaire à l’étranger est un vilain baromètre qui décrit et décrie notre système de santé qui est dans une nullité déconcertante.

Dites-moi, a-t-on besoin d’un chirurgien du cerveau pour comprendre qu’au Tchad, il n’y a presque pas des médecins compétents? A cela s’ajoute les nominations sélectives, regionalistes, tribales ou politiques au niveau des institutions sanitaires où les médiocres ou les fourbes y sont promus avec ce corollaire de tout piller sans rien améliorer. Il y a aussi cette cupidité de vite devenir riche par la voie sanitaire. Or pratiquer la médecine, certes c’est un art mais un art de noblesse qui interdit la gabegie, la tricherie, le vol ou le gain facile.  Pourtant notre système de santé mérite mieux et on peut mieux faire.

Quelles sont les failles de notre système de santé ?

Les failles sont à plusieurs niveaux, les ressources humaines sont d’abord mal formées et surtout mal gouvernées. Il faut bien former et surtout bien contrôler les soignants qui doivent être d’excellents agents dédiés pour cette cause noble qui est celle de sauver des vies. Ensuite il faut bien payer les soignants.

Il faut aussi augmenter les ressources financières et surtout les sécuriser  pour qu’elles soient utilisées pour la bonne cause. Des nombreuses ressources sont volées, détournées et réorientées ailleurs pour des causes accessoires alors qu’il manque souvent le minimum dans nos hôpitaux et dans nos centres de santé comme par exemple les gants, les seringues, l’eau ou l’électricité. Comment travailler dans un hôpital aussi lugubre qu’une tombe où pullulent des moustiques qui nuisent aussi bien les hospitalisés que ceux qui y officient?

Il faut egalement la gouvernance dans la rigueur budgétaire et dans le contrôle des agents qui doivent honorer leurs serments et leurs engagements pour le service public.

La liste des solutions est non exhaustive mais il faut retenir que ce qui fait un meilleur système, c’est l’engagement de tout un peuple à vouloir mieux faire les choses au lieu de vouloir mieux se servir. Il ne sert à rien de construire des infrastructures quand les ressources humaines ne suivent pas. Justement si on a les compétences et le minimum, on peut sauver une vie, même en pleine brousse sous un arbre. Mais si l’incompétence rode ou vit en soi, même dans un hôpital en marbre, on ne fera que des décès. Alors investissons sur les femmes et les hommes qui doivent subir tout un changement de mentalité.

Pensez-vous que rendre opérationnelle la couverture santé universelle (Csu) pourra contribuer à l’amélioration de notre système sanitaire ?

La Couverture Santé Univeselle est un gros mensonge de réunions, d’ateliers, de séminaires et des causeries télé-reportés depuis près de 10 ans et je n’y crois pas.

D’ailleurs l’État n’est même pas capable de donner les ressources nécessaires pour lancer cette sécurité sanitaire. Mêmes les ressources collectées dans le cadre des assises sont réorientées par le Ministère des finances qui semble ne pas croire à cette Csu .

Il faut aller sur des bases simples et compréhensibles pour tous les tchadiens et non faire une longue littérature administrative sur des années. Les tchadiens sont solidaires et s’entraident en cas de maladie. Les tchadiens font des tontines ou des caisses de solidarité dans les familles, les clans et les tribus. Il faut exploiter ces pratiques pour composer une sécurité sociale raisonnable. Vouloir copier et coller ce qui se passe ailleurs est une forme de fuite en avant. La politique fait plus de discours que des actes. La Csu est un slogan politicien dont aucune de trois composantes n’est implémentée jusqu’à là.

Votre mot de fin ?

Notre système de santé croule sous le poids des détournements impunis et de gestion calamiteuse entretenue. Je sollicite aux hautes autorités de faire passer le balai là où il doit passer. Il faut responsabiliser les hommes selon leur  probité morale au lieu de les positionner en fonction de leurs bords politiques ou de leurs origines tribales. La santé nous concerne tous et elle n’a pas besoin de népotisme car se soigner est un besoin très présent et omniprésent.  Le tout c’est d’avoir un compatriote qui nous sauve la vie dans les meilleures conditions.