En finir avec « l’illettrisme méchant»
Le ministère du développement touristique, de la culture et de l’artisanat organise début novembre le mois du livre et de la lecture. Une occasion pour célébrer les 90 ans de Joseph Brahim Seid.
L’auteur de « Au Tchad sous les étoiles » aurait atteint cet âge si, au nom de la révolution, on ne l’avait fait périr. Père du 1er code pénal Tchadien, premier écrivain originaire de cet espace qu’on appelle pays mais qui n’a de nation que le nom, le magistrat formé entre autres, en France et en Egypte doit se retourner dans sa tombe s’il voyait ce qu’est devenu son pays de cœur et ses enfants sous les étoiles.
Incultes, rebelles à l’effort intellectuel, rétifs aux choses de l’esprit, les Tchadiens, surtout ceux qui représentent les figures de réussite passent aujourd’hui pour l’incarnation de la médiocrité. Point besoin de s’affirmer par la jugeotte ou l’argumentaire. La fourberie, la ruse doublée d’arrogance, dès lors qu’on a réussi à capter et accumuler les ressources, ont fini par s’imposer comme modèle. Ce faisant, le vice, la malhonnêteté et le mensonge ont été banalisés, vulgarisés au point où, les valeurs ont fini par devenir des anomalies. L’homme honnête est devenu le paria de la société tchadienne.
Pour en revenir au sujet, le manque de culture, surtout la culture de lecture est le plus grand des maux qui minent la société tchadienne. Observateur perspicace, Mahamat Saleh Haroun, tout ministre qu’il est, a fini par conclure qu’un des maux du Tchad, c’est cet « illettrisme méchant ». Un mal, institué, à tout le moins imposé qui oblige à tolérer les plus graves des saillies au nom d’une instabilité qui n’aurait pas permis à certains sujets de bien apprendre, d’un certain bilinguisme qui en vérité investit de sombres individus de pouvoirs, auxquels ils n’auraient jamais aspiré dans un état moderne et civilisé. Un pays normal pour faire simple.
La révolution du Frolinat visait principalement à combattre un système, semble-t-il injuste qui favorisait une partie du territoire contre un autre. Plus de trente ans après, on réalise à l’évidence que le projet politique est un échec admis du bout des lèvres. Venant de Mahamat Saleh Haroun, fils d’Abéché, donc loin de tout soupçon de sympathie sudiste, l’analyse sur l’état intellectuel de l’homo tchadensis, résumé en «illettrisme méchant » sonne comme un sauve-qui-peut. Il faut revenir aux fondamentaux, respecter les règles pour que le Tchad commence à ressembler aux autres pays.
A ce propos, les célébrations des 90 ans de Joseph Brahim Seid, placé sous le signe de la quête de l’excellence ne pouvait être que la bienvenue. En célébrant l’excellence jusque dans certaines écoles, le ministère de la culture espère rallumer une flamme, celle de l’amour de la lecture, des choses de l’esprit. Ce n’est que de cette façon que les nouvelles générations pourront se forger, apprendre à raisonner, discuter et débattre (tiens, tiens) sans emprunter le périlleux raccourci de l’injure et de la violence verbale. Le chemin pour y arriver est long. Mais comme le dit l’adage, le long voyage commence par le premier. Mais que vivement, un jour, ces innombrables enfants du Tchad, grâce à un des leurs, puissent se retrouver sous les étoiles de ce beau pays, au nom de la fraternité retrouvée. C’est le combat de votre hebdomadaire.
La Rédaction