Dans un communiqué de presse, Mahammad Nour Abdulkarim Abbo Gourou, ancien membre du Conseil militaire de transition (Cmt), relève les échecs du processus de transition et appelle à la tenue en urgence d’un dialogue national inclusif et sincère, sous les auspices des amis et partenaires du Tchad et sur un terrain neutre, pour éviter le pire.
Pour le général Mahammad Nour Abdulkarim Abbo Gourou, après la mise en route de la transition en avril 2021, les Tchadiens avaient nourri l’espoir naïf qu’une nouvelle ère pourrait s’ouvrir dans l’histoire du Tchad. « Les espoirs suscités par le pré-dialogue de Doha avec les groupes politico-militaires et par le Dialogue national inclusif et souverain (Dnis) ont été amèrement déçus. Les nobles objectifs de ces deux événements historiques ont été sacrifiés au profit d’un agenda particulier, loin des énormes attentes du peuple Tchadien », relève-t-il. Selon lui, les divergences et l’absence d’une approche cohérente concernant les perspectives de la transition au sein du Conseil militaire de transition (Cmt) ont finalement conduit à la dissolution de cet organe à la clôture du Dnis en octobre 2022.
Le général Mahammad Nour Abdulkarim Abbo Gourou constate qu’après près de trois années d’une transition chaotique, centrée principalement sur le maintien du pouvoir par ceux qui étaient chargés de le rendre aux civils à l’issue d’élections libres, transparentes et crédibles, tous les indicateurs du Tchad, sur tous les plans, sont au rouge. « Malheureusement, les détenteurs actuels du pouvoir à Ndjamena ont manqué toutes les occasions historiques qui leur ont été offertes pour doter le Tchad d’institutions politiques solides et durables capables de redresser la gouvernance économique, politique et sociale du pays » souligne Mahammad Nour Abdulkarim Abbo Gourou.
Pour cet ancien membre du Cmt, les principales raisons ayant contribué au dérapage du processus de transition et à son échec inévitable, sont nombreuses. « Le non-respect des engagements solennels pris par le Conseil militaire de transition (Cmt) devant Dieu, le peuple et la communauté internationale, de ne pas confisquer le pouvoir et de le rendre, en temps voulu, aux civils à l’issue d’élections crédibles, libres et transparentes, censées clore le processus de réconciliation nationale et baliser la mise en place de nouvelles institutions définies dans le cadre d’un dialogue national inclusif ; l’organisation d’un Dialogue national inclusif et souverain (Dnis) totalement biaisé, qui n’a été inclusif et souverain que de nom, et dont les résolutions, adoptées à la hâte, ont été et restent contestées par tous ; le refus d’examiner de manière appropriée, dans le cadre du Dnis, les principales revendications des groupes politico-militaires contenues dans l’Accord de Doha, notamment en ce qui concerne le statut et les obligations des dirigeants de la transition, la réforme de l’armée, ainsi que la mise en œuvre du programme Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (Ddr) ; la négligence et l’exclusion des partenaires ayant parrainé les négociations et la signature de l‘Accord de Doha dans le suivi de sa mise en œuvre, ainsi que l’application sélective et partielle du DDR au profit de quelques groupes politico-militaires triés sur le volet », cite Mahammad Nour Abdulkarim Abbo Gourou. Il poursuit que «le refus de poursuivre le dialogue avec les groupes politico-militaires non signataires de l’Accord de Doha et les acteurs politiques majeurs ayant refusé de participer au prétendu Dnis ; la mise en place, dans une opacité digne d’un régime de parti unique, d’un Conseil national de transition (Cnt), dont les membres sont nommés par décret, élargi au fil du temps au gré des accords politiques, en lieu et place d’une assemblée législative provisoire représentative de toutes les forces vives ; l’adoption et la promulgation d’une nouvelle Constitution dite de la 5ème République par un référendum massivement boycotté par les électeurs de tous bords. Le rejet massif de ce référendum, avec un taux de participation réel inférieur à 6 %, témoigne de l’échec flagrant de la politique de fuite en avant des dirigeants de la transition et du succès de l’appel au boycott des acteurs politiques et de la société civile fortement mobilisés ; la mise en place, de manière unilatérale, de l’Agence nationale de gestion des élections (Ange), ainsi que la nomination à l’Ange et au Conseil Constitutionnel de personnalités, dont certaines à la réputation sulfureuse, choisies pour leur engagement partisan, ne garantissent aucune crédibilité ni transparence aux échéances électorales à venir ».
Le général Mahammad Nour Abdulkarim Abbo relève par ailleurs, que « la tendance de plus en plus autoritaire du pouvoir en place, l’obsession manifeste de confisquer le pouvoir dans une dynamique de succession dynastique, la tolérance des détournements massifs de fonds publics, le désespoir et la misère sans précédent que subissent les Tchadiens, le développement de pratiques clientélistes marquées par la distribution abusive de postes de responsabilité, de grosses cylindrées et de grades dans l’armée, les dissensions et tensions persistantes au sein de la famille biologique et politique du Président de la transition, sont autant de signaux alarmants révélant la déliquescence avancée de l’Etat ». Malgré le calme apparent que nous observons aujourd’hui, poursuit-il, le Tchad court un risque réel d’implosion difficilement contrôlable. «Organiser des élections dans ces conditions serait extrêmement périlleux et plongerait inévitablement le pays dans un abime », prévient-il.
Pour le général Mahammad Nour Abdulkarim Abbo Gourou, la voie la plus sage pour éviter le pire est la tenue en urgence d’un dialogue national inclusif et sincère, sous les auspices des amis et partenaires du Tchad et sur un terrain neutre. « Nous lançons un vibrant appel aux dirigeants de la Transition et à toutes les composantes de la Nation tchadienne pour la tenue d’un véritable dialogue national regroupant toutes les forces politiques de l’intérieur et de la diaspora, les acteurs de la société civile, les groupes politico-militaires signataires et non signataires de l’Accord de Doha, les différentes corporations, les chefs traditionnels et les leaders religieux », lance-t-il.
Nadjita Namlengar