L’année 2023 a été marquée par la nomination d’un notaire comme procureur général, la grève des magistrats, la création d’un autre syndicat des magistrats progouvernemental en pleine crise et l’arrestation d’huissier de justice.
Dans le secteur judiciaire, l’année 2023 a commencé par la nomination du notaire Mahamat El-Hadj Abba Nana comme procureur général près de la cour d’appel de N’Djamena. Une nomination qui avait provoqué de remous dans le milieu judiciaire. L’ordre des avocats du Tchad, réagissait en citant des articles de la loi n°011/Pr/2013 portant code de l’organisation judiciaire et de la loi n°022/Pr/2019 portant organisation de la profession de notaire pour contester cette nomination. L’ordre des avocats avait tranché que la nomination de Mahamat El-Hadj en tant que procureur général est ”incompatible” avec sa profession de notaire et illégale.
Le 21 juin 2023, les deux organisations syndicales des magistrats que sont le Smt et le Syamat ont appelé à une grève. Ils revendiquaient, la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, composé uniquement des magistrats dans le cadre de l’indépendance du pouvoir judiciaire, l’amélioration de leurs conditions de travail et de vie, la dotation des chefs des juridictions en moyens roulants et de tous les magistrats en armes de poing.
Après plus d’un mois de grève à volonté des magistrats, le gouvernement a gardé un silence face aux revendications. Le débrayage avait fait son bonhomme de chemin, paralysant l’appareil judiciaire. Il avait pris ensuite, l’allure d’un bras de fer avec la décision du Premier ministre de la mise en place d’une commission interministérielle pour contrôler les dossiers administratifs des magistrats qui n’a rien produit. Une décision que les magistrats perçoivent comme une manœuvre destinée à casser la dynamique de leurs revendications et ont durci le ton. En face, le gouvernement, porté par le ministre de la Justice, demande aux magistrats de regagner leurs postes et menace de couper leurs salaires en cas de refus. Dans la foulée, un groupe de magistrats se réclamant d’un comité ad hoc fait une sortie médiatique en présence des proches collaborateurs du ministre de la Justice pour se désolidariser de leurs collègues et désavouer leurs syndicats tout en appelant à la reprise.
Un autre syndicat en contre-attaque
Après l’appel à la reprise, ce groupe crée quelques jours après leur syndicat dénommé ‘‘ le syndicat libre des magistrats du Tchad” (Syliamat) et aussitôt autorisé à fonctionner avec comme président Kouldjim Mbaigonro. Ce syndicat pro gouvernement entendait d’ores et déjà se positionner, à tous les niveaux de décisions, comme un acteur majeur et crédible qui entend assurer la défense des intérêts légitimes de la magistrature en vue de contribuer efficacement à l’amélioration des conditions de vie et de travail des magistrats.
Sur le contrôle des dossiers administratifs des magistrats, ils estimaient qu’il ne revenait pas au Premier ministre d’en prendre l’initiative et que les magistrats sont juridiquement placés sous l’autorité du Président du Conseil supérieur de la magistrature, qui est le Président de la République, seul à même de prendre une telle décision. En plus, disaient les syndicats, les magistrats sont nommés dans les juridictions par décret du chef de l’État et non par arrêté du Premier ministre.
Alors que les magistrats poursuivaient leur grève, le 16 aout 2023, la chambre nationale des huissiers-commissaires de justice du Tchad (Cnhcjt), annonçait le placement sous mandat de dépôt de Me Manyedebaye Aser , huissier de justice, titulaire de charge à N’Djamena par le parquet d’instance de N’Djamena, pour avoir été requis pour accomplir des actes relevant de sa profession par une partie des militants du Parti pour les libertés et le développement (Pld) suite à une crise qui secoue ledit parti et ce, par l’entremise de la société civile professionnelle Kreich Avocat.
Lobey Bab Sidick