Un rapport disculpant le chef des renseignements extérieurs dans l’affaire Martinez Zongo, journaliste camerounais enlevé le 17 janvier puis retrouvé mort 5 jours plus tard, refait surface, un nouveau rebondissement qui complique l’ affaire alors que tout le monde attend impatiemment son dénouement.
Dans l’enquête sur cet assassinat, le juge d’instruction exhume un rapport d’enquête dont les conclusions se montraient favorables au patron de la Direction générale des renseignements extérieurs (Dgre) Léopold Maxime Eko Eko, rapporte Afrique intelligence. Ce dernier est accusé d’avoir joué un rôle dans ce crime politique dont le patron du groupe de médias L’Anecdote, Jean-Pierre Amougou Bélinga est désigné comme « le principal commendataire ». Tous deux sont détenus à la prison centrale de Kondengui.
Le 17 août dernier, Léopold Maxime Eko Eko a été auditionné au bureau du juge près du tribunal militaire de Yaoundé, Florent Aimé Sikati IKamwo, qui mène l’instruction dans cette affaire. Dorénavant, le sort de Léopold Maxime Eko Eko et du présumé commendataire ,Jean-Pierre Amougou Bélinga dépend en partie d’un rapport d’enquête de huit pages et 105 pièces jointes, produit en février et désormais entre les mains du juge d’instruction, rapporte nos confrères d’ Africa Intelligence.
Ce rapport , « est le fruit d’un travail mené par une commission mixte police gendarmerie, mise sur pied par le président Paul Biya pour faire la lumière sur les circonstances de l’affaire ». et selon Africa Intelligence qui a pu en consulter des extraits, « Dans leurs conclusions, les enquêteurs dégagent Léopold Maxime Eko Eko de toute responsabilité dans l’assassinat du journaliste qui s’est déroulé dans la nuit du 17 au 18 janvier, au terme de deux jours de tortures ».
Si ce rapport disculpe le patron de la Dgre, il pointe en revanche la responsabilité du Directeur des opérations (Do) de la Dgre et le lieutenant colonel Justin Danwe, présenté comme le “planificateur de l’opération ayant abouti à l’assassinat de la victime », rapporte Africa Intelligence, qui révèle que le chef de la Dgre et son subalterne sont en conflit. Une inimitié qui a été au cœur d’une partie des investigations. L’on apprend par exemple que, « devant les enquêteurs, le directeur des opérations aurait qualifié le rapport qui l’accable de « machin qui n’est bon que pour la poubelle » ».
Toujours selon la version de Justin Danwe, « c’est pour rentrer dans les bonnes grâces de son supérieur, après des mois de tensions larvées, qu’il a planifié l’opération d’assassinat du journaliste »,écrit Africa Intelligence.
Se sachant délaissé, Justin Danwe fait feu de tout bois. Lors de ses auditions, il a affirmé « avoir été abordé à deux reprises en décembre 2022 par le Dgre », qui se plaignait du travail de Martinez Zogo à son sujet. Enfin, Justin Danwe assure avoir « verbalement rendu compte de l’opération après son déroulement en présence du chef de la sécurité, le lieutenant Boukar Mamat Bichara »,se défend t-il.
Léopold Maxime Eko Eko quant à lui, dément catégoriquement la version de son collaborateur. Devant la commission, il a soutenu qu’il n’avait « jamais reçu Danwe dans son bureau depuis la note de service ». Ce que confirme Boukar Mamat Bichara écrit le journal panafricain qui poursuit : « James Elong Lobe,ce rival de Justin Danwe nie, lui aussi, avoir été mis au courant de l’opération contre Martinez Zogo ».
En plus de ces accusations, d’autres éléments accablent le directeur des opérations parmi lesquels, des témoignages des officiers de son service. D’autre part les enquêteurs s’interrogent sur l’existence de possibles liens interpersonnels entre Jean-Pierre Amougou Bélinga et Justin Danwe.
Au-delà des personnes impliquées, l’affaire Zongo divise au sein de l’appareil sécuritaire. « Le rapport, transmis le 23 février au commissaire du gouvernement près le tribunal militaire de Yaoundé, Belinga Cerlin, a été mis de côté sur instruction du directeur de la justice militaire, le colonel Didier Ndongmo Sipa », mentionne Afrique Intelligence qui note : « Ce dernier a demandé de privilégier les conclusions d’une autre enquête préliminaire, menée par la gendarmerie seule et plus à charge à l’encontre du Dgre, pour prononcer l’inculpation. Au grand dam du patron de la police, Martin Mbarga Nguélé, proche de Léopold Maxime Eko Eko, qui avait alors transmis à Paul Biya un résumé des travaux de la commission mixte (AI du 14/03/23).
Le document de février a, depuis, refait surface jusque sur le bureau du juge d’instruction, qui devra décider le 4 septembre de la fin ou de la poursuite de la détention provisoire de Léopold Maxime Eko Eko. Ce dernier n’a toujours pas été remplacé à la tête de la Dgre, malgré les manœuvres en ce sens du secrétaire général de la présidence, Ferdinand Ngoh Ngoh, dont il est un rival de longue date.
Paul Biya, qui n’aime pas se voir imposer des décisions par les circonstances, attend de voir qui remportera le bras de fer au sein de l’appareil judiciaire.