Par la force des choses, Saboura la lune, artiste musicienne centrafricaine s’est retrouvée au Tchad comme réfugiée. Son côté musical qui somnolait en elle l’a poussé à côtoyer le milieu artistique tchadien pour pouvoir joindre les deux bouts.
Boyzamba Cippora à l’état civil, Saboura la lune s’est retrouvée un matin au Tchad indépendamment de sa volonté. «Suite aux événements malheureux qui se sont déroulés dans mon pays la Centrafrique en 2013, j’ai fuis pour me retrouver au Tchad où le Hcr nous a pris en charge», explique la jeune femme, la trentaine entamée. « Quand je suis arrivé, j’ai trouvé des jeunes diplômés qui sont sans emploi et je me suis dit combien de fois moi une réfugiée. Ainsi, plutôt que de me contenter de l’aide humanitaire, j’ai commencé à fréquenter les musiciens tchadiens. Il y’avait des choses que je ne connaissais pas, mais à force d’aller apprendre, j’ai fini par me former ici même à N’Djamena », révèle-t-elle.
L’aventure musicale de la jeune réfugiée débute en 2017. C’est d’abord auprès d’un groupe de musiciens au quartier Ardep Djoumal que Saboura a appris les différents styles musicaux, ensuite au cabaret 5/5 où elle a intégré un orchestre. « Mais je voulais un endroit où je pouvais apprendre à composer mes chansons », informe-t-elle
Encouragée par une artiste tchadienne, Adama Victorine, qui l’a conduit au groupe Soubyana musique, la Centrafricaine dit avoir marché pendant 3 ans pour intégrer ce groupe. « J’assistais à leur répétition, au concert aussi et puis un jour, ils m’ont demandé ce que je peux faire. J’avais mes compositions, mes interprétations. Tout était parti de là. Je jouais de 20h à 3h du matin, mais au bout d’une année, j’ai fini par abandonner parce que j’ai été agressée plusieurs fois dans la nuit», relate la jeune femme.
Talentueuse, Saboura avoue avoir juste voulu exploiter le côté musical enfouis en elle après son rêve rendu impossible. « Au fond de moi, je ne me voyais pas être artiste musicienne. J’ai rêvé être hôtesse de l’air, mais je n’ai pas pu faire les études normalement. Mes deux parents sont partis très tôt ». Toutefois, Saboura la lune manifestait de l’intérêt pour l’art. « Toute petite quand j’écoutais un instrument de musique, je sentais l’envie de participer. J’ai commencé à concocter quelque chose, au fur et à mesure je me suis améliorée », raconte-t- elle.
Pour l’heure, la ‘’Centro » dit avoir trois albums qui sont déjà prêts. « J’ai trois albums de 8 à 10 titres. Les compositions et les brouillons qui sont déjà faits, mais faute de moyens, ils ne sont pas encore rendus publics », informe la chanteuse. Comme style musical, notre réfugiée qui a eu le temps de comprendre son environnement, fait du tradi moderne, un peu de zouk, le coupé décalé, la rumba, le soukouss. « Je me sers de ces styles pour éduquer, sensibiliser les jeunes et les encourager à explorer leurs talents», rassure-t-elle. Mais avant de lancer officiellement ses titres sur le marché de la musique, la trentenaire pour joindre les deux bouts, fait plus dans les interprétations dans les concerts et en profite pour faire découvrir quelques-uns de ses titres, notamment Arc-en-ciel, Africa je t’aime, le Temps de Dieu.
Cependant son statut de réfugiée ne lui facilite pas la tâche. « Si on demande de contacter les artistes pour un festival, vous me verrez rarement parmi eux et même quand je suis là, lorsqu’il faut prendre les cachets, il faut la pièce d’identité. Et la mienne est celle de réfugiée, les gens ne prennent pas ça en compte. A cause de ça, parfois je ne perçois un peu où même rien », regrette-t-elle. Pour elle, beaucoup de personnes ne considèrent pas cette carte de réfugiés et du coup obtenir un financement devient difficile. Elle invite le Hcr à plus de sensibilisation pour que ce document soit mieux pris en compte.
Malgré les difficultés, l’artiste musicienne centrafricaine reste optimiste. «Tant qu’il y a de l’espoir, les choses vont finir par s’améliorer. Mais en entendant je compose mes chansons et je les garde jalousement».
Ndjondang Madeleine