Dans un article publié dans ses colonnes, Jeune Afrique a révélé que la réforme de l’armée nationale, telle que recommandée par le Dialogue nationale inclusif, ne pourrait être réalisée que dans 5 ou 6 ans.
Selon Jeune Afrique, le Tchad dispose de 600 généraux. Certains officiels, eux-mêmes militaires, avancent un chiffre d’environ 400. « L’armée compterait en réalité environ 600 généraux. Soit, en cumulé, autant que la France et les États-Unis en 2022. Un résultat de décisions bien plus politiques que militaires», informe le mensuel panafricain pour qui, en deux décrets, le Président de transition a créé 78 nouveaux généraux. «Du jamais-vu », a assuré à Jeune Afrique, un ancien ministre.
Une source sécuritaire concède à Jeune Afrique que le Président Mahamat Idriss Déby, «fait passer l’idée qu’il veut réformer l’armée. Mais en même temps, pour consolider son pouvoir, il utilise la nomination des élites du Nord, en grande majorité des Zaghawas, accompagnés de quelques Goranes et Arabes, dans la hiérarchie militaire».
Un proche de la présidence abonde encore dans ce sens. « La nomination des généraux a toujours été un moyen de renforcer les allégeances, en particulier chez les Zaghawas. Idriss Déby Itno (lui-même zaghawa) s’en est souvent servi, en particulier quand les frères Erdimi sont entrés en rébellion. Son fils (qui est aussi gorane par sa mère) fait la même chose, à plus grande échelle», rapporte le média.
Une autre source assure à Jeune Afrique que la plupart des généraux n’ont pas de véritable poste. «Ils n’ont pas d’unité à commander. Leur grade n’est qu’un titre et une façon de les attacher au pouvoir.» Un « titre » qui s’accompagne tout de même de beaucoup d’avantages. Gratuité des soins de santé, de l’accès à l’électricité, à l’eau ou au carburant, mise à disposition d’un véhicule de fonction, entretien d’une équipe d’une dizaine de gardes… Sans compter un salaire mensuel d’environ deux millions de francs Cfa (soit 3 053 euros).
«Et puis il y a la possibilité pour chacun de placer des proches dans l’administration, déplore encore un haut fonctionnaire. Il leur suffit d’appeler un directeur pour glisser le nom d’un cousin, d’un neveu ou d’un fils ». D’où un énième effet pervers, poursuit le haut fonctionnaire. «On se retrouve avec une administration où l’attribution des postes n’a rien à voir avec les compétences ou le mérite.» «Si ce système fonctionnait pour l’ensemble des élites tchadiennes, ce serait finalement un moindre mal, confie un ancien ministre originaire du sud du pays. Mais cela concerne en réalité les Zaghawas dans presque trois quarts des cas. Et le reste revient aux Goranes et aux Arabes, qui sont associés au pouvoir. Le déséquilibre régional ne fait que s’accentuer».
«La réforme de l’armée doit prendre au minimum cinq ou six ans»
« L’armée a été construite sur les intégrations successives des rébellions pour récompenser les ralliés et assurer la stabilité, décrypte un chercheur spécialiste de la question. Or la plupart des rébellions des dernières décennies venaient du nord. Il y a tout un modèle à réinventer pour rendre l’armée plus inclusive. » « Le fils n’est pas obligé de faire comme le père», selon un adage. « Il est même obligé de faire mieux», glisse un conseiller présidentiel.
Les changements sur la retraite des militaires sont un premier pas. C’est un travail qui devrait prendre au minimum cinq ou six ans». «Six ans», soit l’exacte durée d’un mandat présidentiel selon l’actuelle Constitution. Si Mahamat Idriss Déby Itno n’est pas encore candidat, il tient déjà une promesse de campagne.
Nadjita Namlengar