A N’Djamena, des enfants sont soumis aux travaux physiques quotidiennement au lieu d’être à l’école. Fabrication et transport des briques, commis de charge sur les véhicules de transport en commun, recherche des déchets métalliques dans les poubelles sont entres autres les activités exercées pour avoir à manger.
En cette matinée fraiche de février, dans une carrière de briqueterie au quartier Ambatta dans le 7ème arrondissement, plusieurs enfants âgés de 9 à 14 ans sont à différentes tâches. Les uns arrangent les briques, d’autres avec des bidons de 40 litres puisent de l’eau pour imbiber la terre, d’autres encore convoient les chevaux transportant les briques cuites.
Mbai âgé de 13 ans, vêtu d’une chemise en pagne avec juste une manche et un pantalon usé et ses deux amis conduisent un cheval transportant des briques cuites. Ils affirment ne pas fréquenter d’école. Leur activité principale est de convoyer les briques cuites. « Je suis avec ma tante et son mari a beaucoup des chevaux. Il les met au service du transport des briques cuites. C’est cette activité qui nous nourrit », souligne Brahim l’air fatigué.
A côté, Succès âgé de 11 ans assis sur des sacs de bouse de vaches séchés se repose avant d’arranger les briques de son oncle. « Le jour où je ne fais pas le travail, il ne me donne pas à manger », raconte-t-il avant d’ajouter qu’il a été renvoyé de l’école pour des frais de scolarité impayés. « Mon oncle n’a pas payé mes frais de scolarité c’est pourquoi ils m’ont renvoyé de l’école et il m’a demandé de venir travailler ici avec son patron », ajoute-t-il les larmes aux yeux.
Plus loin encore à la carrière de Siguété quartier périphérique de la ville de N’Djamena , ils sont des plus en plus nombreux à charger les briques dans les bennes ou en fabriquer pour gagner entre 500f et 1000f par jour. « C’est notre quotidien, sans ça, on n’aura rien à manger parce que nous sommes des ”enfants restés” », lâche le nommé Dionkoula. Le terme « enfant resté » désigne des jeunes confiés à des membres de leurs familles qui ne sont pas leurs parents biologiques.
Si les garçons travaillent à la briqueterie, les filles elles, sont chargé de vendre différents articles en déambulant en ville. C’est le cas de Sandra, 15 ans, qui pose délicatement à terre le lourd plateau de tomates, qu’elle porte depuis le matin en équilibre sur sa tête. « Je me suis levée ce matin à 6h comme tous les jours avec les marchandises de ma marâtre alors que ses enfants partent à l’école », raconte-t-elle.
Que font les défenseurs des droits des enfants ?
Pourtant, l’article 314, alinéa 4 du Code de protection de l’enfant interdit, « les travaux qui, par leur nature ou les conditions dans lesquelles s’exercent, sont susceptibles de nuire à la santé, à la sécurité de l’enfant ». En plus, ces enfants, bien qu’en âge d’aller à l’école n’y sont pas inscrits. Or, l’instruction ou l’éducation est fondamentales pour l’avenir des enfants. Du moins, c’est ce que dit l’article 28 de la Convention relative aux droits de l’enfant : « Chaque enfant a droit à une éducation. L’école primaire doit être gratuite. Chaque enfant doit avoir accès à l’éducation secondaire et à l’éducation supérieure ».
Il y a trois éléments essentiels qui caractérisent la traite selon les nations unies et qui est aussi internationalisé dans la loi 12 portant sur la lutte contre la traite des personnes en République du Tchad, souligne le Coordonnateur général de l’Association pour la Réinsertion des Enfants et de la Défense de droit de l’Homme (Ared) Madjiyeranagr Alkoa. « Le premier élément c’est l’acte qui est le recrutement, transport, transfert, hébergement, accueil d’une personne ; deuxièmement c’est le moyen qui est la duperie, la fraude, la contrainte et l’abus du pouvoir et bien d’autre moyens qui sont utilisés pour enrôler la personne, troisièmement, le but c’est à des fins d’exploitation, ça peut être l’exploitation sexuelle, économique et bien d’autres exploitations », cite –t-il.
Le phénomène est plus important qu’on ne le croit indique Madjiyerangar Alkoa. « Plusieurs enfants sont exploités dans l’agriculture, exploités comme apprentis véhicules, dans les briqueteries, dans l’élevage et là on peut parler des enfants bouviers et chameliers et il y en a ceux qui sont vendus dans les mines d’or et ça c’est une situation assez désastreuse. Le mouvement est généralement du Sud vers le Nord mais aussi à l’Est », explique-t-il avant d’ajouter, plus grave, « qu’il y a des parents qui mettent leurs enfants en gage pour prendre des dettes ».
La traite des personnes en général et des enfants en particulier est un crime prévu et puni par les nations unies à travers la loi de la convention contre la criminalité transnationale organisée. « Cette loi est prévue dans la déclaration universelle de 1948 mais aussi dans la convention contre la criminalité transnationale organisée et ces protocoles traditionnels qui consacrent la prévention et la répression qui est aussi internationalisée à travers la loi 12 dans notre pays portant la lutte des personnes en république du Tchad et qui promulgue l’ordonnance 006 de mars 2018 et elle est promulgué le 20 juin 2018 », rappelle enfin le coordonnateur de l’Ared.
Lobey Bab Sidick