Alors que des ressources et du personnel sanitaire ont été transférés pour soutenir la riposte à la pandémie de la Covid-19, au Tchad les programmes de vaccination infantile ont été profondément perturbés. Ce qui a fait resurgir des épidémies dévastatrices mais évitables comme la rougeole qui a sévi au début de l’année.
La Covid-19, a eu un impact dévastateur sur le système sanitaire de plusieurs pays dans le monde. Au Tchad, l’interruption des grandes opérations de vaccinations préventives des enfants contre la poliomyélite et la rougeole dès l’apparition de la maladie en 2020 afin d’enrayer la propagation de la pandémie, a entraîné un recul important de la vaccination des enfants, mettant ceux-ci à risque de contracter la rougeole, qui a refait surface. Selon le dernier rapport du ministère de la santé publique et de la prévention, dans 110 districts sanitaires sur les 139 que compte le pays, on dénombre plus de 2000 cas suspects de rougeole enregistrés, 5 morts confirmés et 303 cas notifiés au cours du 1er trimestre de l’année 2022. «De janvier à février nous étions à 22 cas dans le district de N’Djamena sud et dans les deux premières semaines du mois de mars nous avons enregistré 31 cas. 3 districts sanitaires, N’Djamena Est, Centre et Bongor ont été en épidémie confirmée. Cette brusque résurgence des cas de rougeole est liée à l’arrêt des programmes de vaccination infantile de masse et au non respect du calendrier vaccinal des enfants par les parents », informe le point focal surveillance épidémiologique, Madjiadoumngar Sandjibe.
Au centre de santé Ordre de Malte du quartier Walia Hadjaraï dans le 9ème arrondissement de la ville de N’Djamena où quelques cas suspects de rougeole ont été relevés, il est à peine 7heure du matin ce 27 octobre 2022, que le local servant de vaccination de routine grouille de femmes venues faire vacciner leurs bébés. « Malgré toutes les mesures prises dans le centre pour ne pas perturber le déroulement des activités de vaccination, la Covid-19 a tout chamboulé. Il a fallu mettre en place les nouveaux protocoles de sécurité sanitaires et pallier la réaffectation de personnels à la lutte contre la pandémie », explique le responsable du programme élargi de vaccination dudit centre, Singa Alexis, avant de poursuivre que, « la psychose instaurée par la maladie a fait également que beaucoup de bébés ne reçoivent pas de vaccins car les mamans s’abstenaient de fréquenter le centre pour éviter les contaminations. Mais petit à petit à force de sensibilisation quotidienne, tout est rentré dans l’ordre et les activités suivent leur cours » .
D’après le médecin chef de l’hôpital de district de Toukra, Dr Gouaye Daïba, si la vaccination infantile a pris un coup, c’est aussi en partie, aux fausses rumeurs sur la Covid-19, qui circulent au sein de la population. Pour lui, il est dommage qu’à cause de ces rumeurs, les gens essayent de combattre la vaccination qui pourtant reste le seul moyen de prévention de maladie transmissible qui entravent le développement de l’enfant. « La rumeur selon laquelle les enfants servirons de cobaye pour tester les vaccins Covid-19, a rendu les parents suspicieux et peu enclin, à venir, faire vacciner leurs enfants. Cependant, grâce aux causeries éducatives instaurées dans les centres de santé par les responsables des centres, aidés par des relais, communautaires nous avons pu lever le voile sur de nombreuses questions que se posait la population sur les vaccinations et la pandémie », souligne le médecin.
Pour Sadjié, mère de 4 enfants, rencontrée au centre de santé Notre Dame des Apôtres, le refus de faire vacciner les enfants s’explique par la multiplicité des campagnes de vaccination organisées ces deux dernières années par les autorités. « Il y’a trop de campagne de vaccination ces derniers temps et cela n’augure rien de bon. Trop de vaccination peuvent rendre les enfants malades », se plaint-elle.
Le 04 mars 2022, lors d’une réunion d’urgence, la « faible immunité de la population contre la rougeole » observée par le ministre de la santé publique et de la prévention Dr Abdel-madjid Abderahim a permis d’organiser une campagne de riposte dans 5 districts de la capitale et celui de la ville de Bongor, zones considérées par le ministère de la santé comme les plus touchées. « Dans les 5 districts qui ont bénéficié de la campagne de vaccination contre la rougeole, nous avons vacciné 478 171 enfants de 6 à 59 mois. Pour le district de Bongor les résultats provisoires font état de 72 060 enfants cibles vaccinés sur 73 139 soit 99% », indique le secrétaire général du ministère de la santé et de la solidarité nationale Dr Ismael Barh Bachar.
Bien qu’il y ait des programmes prévus par le ministère de la santé publique et de la prévention pour augmenter le taux de couverture vaccinale qui stagne au Tchad, les enquêtes réalisées par l’organisation mondiale de la santé, il avoisine les 57%. Ce qui est très loin du taux de couverture de 95% recommandé par l’organisation onusienne pour prévenir les épidémies. « La pandémie n’a fait qu’aggraver une mauvaise situation déjà existante. La très faible couverture vaccinale observée, est liée à un approvisionnement très irrégulier de vaccin. Il y’a aussi des problèmes de logistique pour maintenir la chaîne de froid dans les structures sanitaires qui se posent ce qui fait que parfois, dans les zones reculées les vaccins n’arrivent pas souvent en bon état. Il est donc urgent que le gouvernement réinvestit d’urgence dans la vaccination infantile », reconnaît un responsable d’un centre de santé public.
F. Kedaï Edith