Ainsi, pour la première fois depuis 2011, le 28 novembre n’a pas été célébré sous l’habituel format de la prière pour la paix pourtant instaurée par un décret. L’Église catholique suivie par l’Entente des églises et missions évangéliques a indiqué qu’en l’état actuel des choses, marqué par une ambiance mortifère causée par les répressions qui ont causé des dizaines de morts le 20 octobre et suivant, l’ambiance n’est pas à la communion des cœurs mais plutôt au recueillement. Une douche froide pour le pouvoir mais surtout la fin d’une hypocrisie qui n’a que trop duré.
Comment pouvait-il en être autrement surtout que quelques semaines auparavant, le gouvernement s’est livré à un jeu dangereux, agitant le différend chrétien/musulman pour justifier les tueries du 20 octobre. Le cynisme a été poussé à bout par le ministère de la communication qui est allé chercher sur internet, des images d’un conflit au Cameroun pour illustrer son propos. Heureusement que la mayonnaise empoisonnée n’a pas pris et des compatriotes encore lucides sont montés au créneau pour dénoncer la manœuvre. Mais le mal est déjà fait et donne à voir sur l’état d’esprit du pouvoir…
Il faut dire qu’entre le pouvoir et l’Église, la rupture date d’avant le dialogue et rien n’a été fait pour recoller les morceaux. Il y’a d’abord les tirs contre l’archevêque en février dernier quand celui-ci était sorti soutenir les manifestants contre les tueries de Sandana. Ensuite les prises de positions du clergé au regard de la gestion quotidienne de l’État, puis du dialogue national inclusif qui a fini par consacrer la fin du dialogue entre le pouvoir et l’église.
L’heure est à la retenue et à une remise en cause si l’on veut réellement une « transition réussie et apaisée » comme clamée. Il est de l’intérêt du pouvoir de faire preuve d’ouverture. Sinon, comment comprendre qu’au moment où l’on crie à l’injustice et à la mal gouvernance, des vidéos sectaires comme celle dans laquelle l’ancien secrétaire particulier du chef de l’État monte une communauté contre une autre, circulent sur la toile sans provoquer la moindre indignation ?
Le Tchad est un patrimoine commun. Si l’attelage des prières du 28 novembre a fini par rompre, c’est qu’il n’était pas harnaché aux fils de la sincérité et de la justice. C’est à ce prix et ce prix seul que les enfants du Tchad se retrouveront un jour sous le même drapeau priant chacun son Dieu pour qu’il prenne son pays en garde. Nous en sommes pour l’heure, bien loin.
La Rédaction