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Vague d’indignation et de colère après la condamnation des manifestants du 20 octobre

Vague d’indignation et de colère après la condamnation des manifestants du 20 octobre 1

Le parquet de N’Djaména a condamné lundi 262 manifestants du 20 octobre à des peines allant de 2 à 3 ans d’emprisonnement ferme. Si 59 prévenus sont déclarés non coupables et relâchés au bénéfice du doute, 80 autres ont été condamnées à une peine de 12 à 24 mois de prison avec sursis. Une décision qui suscite l’indignation dans le pays.

Le verdict est tombé. Ce lundi 5 décembre, le parquet de N’Djaména a annoncé la condamnation de 342 manifestants du 20 octobre sur les 401 à des peines allant de 12 mois d’emprisonnement avec sursis à 3 ans de prison ferme. Un jugement tenu à huit clos et sans la défense. « Le Tchad invente le stakhanovisme judiciaire (Ndlr : méthode visant à battre les records de production appliquée en Union Soviétique)…ou la mascarade judiciaire pour masquer les massacres du 20 octobre », dénonce Kaar Kaas Soon, écrivain et artiste tchadien. « Plus de 400 personnes jugées en moins de 24 heures -vous me direz, comparé aux centaines d’autres massacrées en quelques heures ! Cela revient à moins de trois minutes par prévenu et la Françafrique tient enfin son champion, Mahamat Kaka-ça sonne un peu Kafka », affirme l’artiste ! D’après lui, l’homme de Macron (Ndlr : Mahamat-Kaka) ne lésine sur aucun moyen pour éliminer les rares opposants à son « régime illégitime », y compris même s’asseoir sur les institutions de la République à savoir les violations des droits des citoyens, du code de procédure pénale, sans compter le non-respect de l’organisation judiciaire. « Pour s’imposer définitivement à la tête du système mis en place par son défunt père, Mahamat Kaka déroule son plan de dévolution dynastique du pouvoir. Tout laissait à l’imaginer dès le départ… Quand on doit faire du légitime avec l’illégitime, tous les coups semblent permis… Le point d’orgue était le Dnis, avec son caractère inique et sa coloration monochrome. Et lorsque certaines voix s’élèvent contre cette violation constitutionnelle, elles se font canarder sans vergogne », ajoute-t-il. L’homme des lettres et artiste chanteur, cite pour exemple la manifestation pour dénoncer le deuxième coup d’État réprimée dans le sang le 20 octobre dernier sans aucune réaction de l’Union Africaine, une condamnation timorée de l’Union européenne et de la communauté internationale et sous le regard de Barkhane et de l’Opération Épervier basées à N’Djamena. Le procès des manifestants du 20 octobre vise d’après lui un seul objectif : « criminaliser les rares vrais adversaires politiques, c’est donc un procès politique » dénonçant au passage une justice instrumentalisée.

Kaar Kaas Soon invite tous ceux qui doutaient encore de se rendre à l’évidence que « le régime illégitime de Kaka est une dictature, car ce type de procès en est la marque ». On ne pourra pas parler estime-t-il de démocratie au Tchad. « Une démocratie pluraliste érige des contre-pouvoirs, rendant plus fort le pouvoir judiciaire, ce qui lui garantit une certaine indépendance », précise Kaar Kaas Soon qui assure que « ce qui se passe sous nos yeux est une honte, un recul et c’est inacceptable. Néanmoins, j’ose espérer qu’on comprendra un jour, au Tchad, qu’un État, ce sont d’abord des hommes et des institutions ».

Où sont passés le reste des personnes arrêtées ?

Si le procureur de la République près le Tribunal de Grande de Instance de N’Djaména a annoncé 621 interpellations, des organisations de défense des droits de l’homme ont enregistré plus de 700 enlèvements pendant et après la manifestation du 20 octobre. « Il ne faut pas vraiment banaliser le crime dans ce pays », prévient le slameur Croquemort qui rappelle qu’il « y a eu 700 déportés politiques au camp de concentration de Koro-Toro ». « Ces chiffres ont été lus à la télé. Mais seulement 400 personnes ont été présentées à huis clos à la justice », ajoute l’artiste qui doute même que « les 262 soient vraiment 262 ». « Mais vraiment où sont passés les 300 », s’interroge Croque Mort qui poursuit : « Nous, on n’invente rien, ce n’est pas nous qui avons dit qu’il y avait 700 prisonniers ». « Va-t-on vers la banalisation du crime du pouvoir au Tchad », s’interroge-t-il?

Selon le procureur de la République, près du tribunal de grande instance de N’Djamena, les 220 autres personnes arrêtées, seront orientées à l’instruction, dont 61 devant le premier cabinet d’instruction, 76 devant le 6e cabinet d’instruction et 83 devant le juge pour enfants.

Stanyslas Asnan