La vérité vous rendra libres » (Jn 8, 32).
La Conférence des Evêques du Tchad s’est réjouie de l’annonce du Dialogue National inclusif. En plus du caractère inclusif tant prôné, le dialogue a été rendu souverain par le décret du chef de l’Etat, donnant ainsi du sérieux à ce que certains réclament comme dialogue de la dernière chance. Comme il a été dit plusieurs fois ces jours-ci, les Tchadiens attendent beaucoup de ce dialogue, car les conclusions doivent permettre de rétablir l’ordre constitutionnel rompu avec le décès inattendu du Président de la République. Il doit aussi permettre à tous les fils et filles du Tchad de s’entendre sur un nouveau contrat social dont le socle sera la justice et la bonne gouvernance, garantes d’une paix véritable. L’Eglise catholique dont la mission est de travailler à la réconciliation, à la justice et à la paix, s’est sentie concernée et a accordé une importance particulière à ce dialogue en y prenant part avec une délégation composée d’évêques, de prêtres et de laïcs. Dans notre Message de Noël 2021, nous avons déjà appelé les fidèles catholiques à prier pour la réussite de ce dialogue. Les discours officiels et les premières prises de paroles ont mis l’accent sur la sincérité de ce dialogue qui doit réconcilier les Tchadiens. Le nombre de personnes qui brûlent de désir de prendre la parole dans la salle montre à suffisance que les participants attendent beaucoup de ce dialogue pour tracer un nouveau chemin et une nouvelle manière de gouverner ce pays. Pour nous, ce dialogue qui est à la fois politique et social doit réunir en priorité les acteurs politiques et ceux de la société civile dont un bon nombre est encore dehors. Ensemble avec les autres leaders religieux et quelques sages, nous avons pris l’initiative d’offrir nos services pour une médiation en vue d’intégrer ceux qui sont absents. Mais au fur et à mesure que nous avançons, nous constatons que le caractère inclusif et souverain de ce dialogue s’effrite. Alors que nous continuons notre œuvre de médiation avec ceux du dehors, certains participants ont quitté le dialogue ou menacent de le quitter pour protester contre la manière confuse dont le Règlement intérieur a été adopté et par le mode totalement étrange d’obtenir le consensus dans la désignation des membres du présidium. Au sein même de l’assemblée, il n’y a pas eu de dialogue. Pour nous le dialogue se fonde sur l’écoute réciproque et le verbe « dialoguer » se résume en ceci «se rapprocher, s’exprimer, s’écouter, se regarder, se connaître, essayer de se comprendre, chercher des points de contact » (François, Frateli Tutti, n°198). Mais, nous avons l’impression d’assister à une campagne électorale avec d’un côté, ceux qui soutiennent le changement et un renouvellement de la classe politique; et de l’autre ceux qui bloquent tout et veulent continuer comme avant en mettant en place une machine savamment orchestrée. Face au spectacle auquel nous avons assisté, et constatant la crise de confiance qui est apparue entre les différents groupes, nous ne voulons pas apparaitre comme ceux qui soutiennent une partie conure l’autre. Cela est en contradiction avec notre rôle de pasteurs qui est celui de rassembler et de faire le pont. C’est pour cela que nous sommes contraints de suspendre notre participation aux séances pour ne pas cautionner la main mise d’un groupe sur le processus de ce dialogue. Cependant, nous nous rendons toujours disponibles pour continuer à offrir nos services dans toutes les démarches ultérieures de réconciliation que nous jugerons sincères. La paix est certes un don de Dieu mais elle est aussi une œuvre de justice de la part des hommes. Nous prions sans cesse pour la conversion des cœurs endurcis par les intérêts égoïstes et nous implorons du Dieu Tout-puissant la paix pour notre pays. Que Dieu bénisse notre pays et tous ses habitants!