Nous, membres de la Coalition citoyenne pour le Sahel, appelons les dirigeants africains et européens, qui se réunissent cette semaine en sommet à Bruxelles, à promouvoir un véritable sursaut civil pour s’attaquer aux causes profondes de la crise au Sahel et mieux protéger les populations civiles.
Rarement le Sahel n’a été autant au cœur de l’actualité. L’attention se focalise sur un possible retrait des troupes françaises et européennes du Mali, sur l’arrivée de forces russes, sur les coups d’État militaires et sur les brouilles diplomatiques. Mais les besoins des populations civiles, qui continuent à être les premières victimes de l’insécurité, semblent relégués au second plan par les gouvernements et les acteurs internationaux.
Au Burkina Faso, au Mali et au Niger, près de 2000 civils ont été tués dans des violences au cours de 12 derniers mois, dont les deux tiers attribués aux groupes dits djihadistes, selon Armed Conflict Location & Event Data Project (ACLED). 2,5 millions de personnes ont dû fuir leur maison, dont une majorité d’enfants aujourd’hui déscolarisés – deux fois plus qu’il y a un an. 15 millions de Sahéliens dépendent de l’aide humanitaire, l’insécurité alimentaire se répand à une vitesse alarmante et l’accès aux services de base, comme la santé, est toujours aussi défaillant. Malgré l’urgence, seuls 48% des besoins humanitaires sont actuellement financés.
Il y a tout juste un an, les chefs d’État sahéliens et leurs partenaires internationaux avaient pris des engagements forts, lors du sommet du G5 Sahel de N’Djamena, sur la protection des civils, la gouvernance, l’urgence humanitaire et la lutte contre l’impunité, qui sont les quatre priorités identifiées par la Coalition citoyenne pour une réponse plus efficace à la crise dans la région (les Piliers citoyens). Malheureusement, les promesses de ce « sursaut civil et politique » consigné dans la déclaration finale du sommet, semblent bel et bien avoir été enterrées.
Dans un contexte de polarisation grandissante, nous condamnons fermement la multiplication des atteintes à la liberté d’expression et de manifestation, qu’il s’agisse de coupures d’internet mobile au Burkina Faso, ou de menaces contre des journalistes ou des membres de la société civile au Mali au Niger ou au Tchad.
Nous prenons note des déclarations des dirigeants sahéliens en faveur du respect des droits humains et du droit international humanitaire. Mais nous déplorons la poursuite de l’impunité, qui entretient la défiance des populations et alimente le cycle de la violence. Dans tout le centre du Sahel, il continue à y avoir des allégations d’abus par des éléments des forces de défense et de sécurité, tandis que les procès des principaux auteurs de violations avérées se font toujours attendre.
Les impératifs de transparence et de redevabilité s’imposent également à toutes les forces étrangères présentes au Sahel. Nous prenons acte de la rare communication de l’état-major français sur la mort de 4 civils lors d’une opération militaire le 8 février au nord du Burkina Faso. Nous regrettons cependant que la France n’ait toujours pas répondu aux demandes de la société civile et du Président du Niger d’ouvrir une enquête sur la mort de trois civils en marge d’une manifestation contre un convoi militaire français à Téra, au Niger, en novembre dernier.
Un an après les engagements encourageants du sommet de N’Djamena, un sursaut civil et politique est plus urgent que jamais au Sahel pour enfin mettre en œuvre une stratégie qui réponde aux besoins des populations. Continuer à privilégier une réponse sécuritaire qui ne s’attaque pas aux causes profondes de la crise reviendrait à reproduire les erreurs qui ont conduit à l’impasse actuelle.
Le Sommet Union africaine-Union européenne des 17 et 18 février devrait être l’occasion d’un nouveau départ pour le Sahel et ses partenaires. La Coalition citoyenne pour le Sahel continuera à mesurer l’impact des réponses à la crise et publiera, dans les semaines à venir, une série de mises à jour des indicateurs du rapport « Sahel : ce qui doit changer ».