La perspective globale d’intégration de la santé mentale au sein des soins de santé primaire au niveau mondial n’est plus à discuter. Mais, pourquoi est-il désormais crucial d’accélérer cette dynamique au Tchad? A l’occasion de la journée mondiale de la santé mentale, les acteurs du projet RESILAC tentent de répondre.
Le Tchad est l’un des pays de la bande sahélienne qui se situe autour du bassin du Lac Tchad. Il est sujet à de multiples crises : économiques (chômage, pauvreté), climatiques (faible pluviométrie, inondations), sociales (conflits communautaires) et sécuritaires (présences des GANEs dans le lac).
Ces différentes crises ne sont pas sans conséquences sur la vie psychologique et psychique des populations. Dans la province du lac par exemple, avant la présence des groupes armées non étatiques (GANEs), les populations et celles des provinces voisines travaillaient et vivaient en harmonie dans presque toutes les parties du territoire. Cependant, depuis l’arrivée des GANEs, l’on observe désormais des mouvements de populations tentant de fuir les conflits. Ces déplacements ont un impact psychologique sur les personnes déplacées et les communautés hôtes qui subissent un stress ayant des répercussions sur la vie quotidienne des personnes impactées (stress post traumatique, dépression, lien sociale difficile …).
Bien qu’il n’existe pas de statistiques officielles, l’expérience opérationnelle sur les projets humanitaires démontre que la situation sécuritaire volatile autour du lac Tchad, l’augmentation du taux de chômage, les conséquences du changement climatique, affectent les populations induisant une augmentation du taux de souffrance subjective comprenant des manifestations avérées de problèmes de santé mentale.
Sans prise en charge de ces différents problèmes psychosociaux, les problèmes de santé mentale ne cesseront de se développer.
L’éloignement des services existants des populations riveraines ainsi que la rareté et le manque de formation du personnel rendent difficile l’accès aux services de santé mentale et de soutien psychosocial malgré l’intensification des besoins ; creusant ainsi l’écart entre la prévalence des problèmes de santé mentale et le nombre de personnes suivies et/ou sous traitement.
Intégrer la santé mentale et le soutien psychosocial au sein des soins de santé primaire permettrait donc, en partie, de combler les lacunes évoquées ci-dessus.
En effet, intégrer l’offre de soins en santé mentale et soutien psychosocial au sein des soins de santé primaire, permettrait de proposer une prise en charge de la santé mentale au plus près des communautés afin de leur faciliter l’accès aux soins réduisant ainsi la stigmatisation et la discrimination des personnes en détresse psychosociale.
Enfin, prenant en compte le fait que les liens entre santé mentale et pauvreté ne sont plus à prouver, l’offre de soins en santé mentale dans les structures de soins de santé primaire par le canal de la résilience et du bien-être aiderait au redressement économique des populations.
Cependant, cela implique que les intervenants de soins de santé primaire soient capables d’identifier et de gérer les troubles mentaux de ces patients souffrant généralement d’autres problèmes médicaux induits par leur état de détresse psychosociale.
Les efforts du gouvernement Tchadien et de la communauté humanitaire pour répondre aux besoins des populations et pallier aux défi cités ci-dessus sont immenses et très appréciés.
Mais, au vu du contexte et de la pertinence de cette intégration il est désormais nécessaire que cette dynamique déjà enclenchée soit soutenue et accélérée. Nous appelons donc tout le monde, y compris les décideurs et bailleurs de fonds à se joindre à nous pour une meilleure prise en charge de la santé mentale partout et pour tous.