Dans le cadre de leurs activités relatives au plaidoyer en faveur des victimes du régime de Hissein Habré, les avocats des victimes ont animé une conférence débat au centre d’étude et de formation pour le développement (Cefod) ce mardi 4 février 2020. Les questions relatives à d’indemnisation des victimes étaient au cœur des débats.
Placé sous le thème « affaire Hissein Habré, la non-exécution des réparations dues aux victimes est une violation », le panel est constitué des avocats venus de la France, de la Belgique d’Amérique et les avocats tchadiens. La question de la lenteur des indemnisations des victimes était au cœur du débat. L’assistance a observé une minute de silence en mémoire des victimes disparues pendant et après le procès, puis les victimes décédées ont été nommément listées et citées au nombre de 125 personnes.
Les orphelins dans leur message ont demandé au président de la République de rendre justice aux victimes de Hissein Habré afin de construire les tombes de leurs parents. La veuve Suzanne Mogueyal a aussi interpellé le gouvernement qui fait la sourde oreille face à leurs cris. « Nous avons souffert jour et nuit avec nos enfants, puis ils ont étudié dans les conditions de pauvreté, malgré cela le gouvernement refuse de nous indemniser et de leurs donner du travail », explique-t-elle avec larme aux yeux. Une scène de désolation s’est emparée dans toute la salle où les orphelins se sont mis à pleurer.
Cinq ans après la sentence de Dakar et de N’Djamena, les victimes de Hissein Habré attendent toujours d’être indemnisés en vain. « Aux termes des sentences des chambres africaines extraordinaires, 82 milliards f. Cfa devraient être versés aux victimes. Et pour la sentence de la cour criminelle spéciale de N’Djamena, les victimes doivent être indemnisées à hauteur de 75 milliards de f.Cfa dont l’Etat tchadien doit versé un montant à hauteur de 50% et les 50% seront pris sur les biens des complices de Habré. Le local de la direction de documentation et de la (Dds) doit être érigé en musée », explique Me Brody Reed Kalman, l’un des avocats des victimes. Pour Me Jacqueline Moudeina, « l’affaire Hissein Habré est la plus longue, triste et sombre affaire dans l’histoire du Tchad. Après une décision de justice déjà rendue, le gouvernement tchadien refuse d’exécuter alors que les victimes font des marches depuis un an sans être écoutées », explique-t-elle. Me Kemnelem Delphine, elle, s’interroge sur le comportement du gouvernement tchadien. « Déjà le régime de Habré a fait 40000 morts, pourquoi en finir encore avec les vivants ? », s’exclame-t-elle.
Me Reed Brody lève l’équivoque sur les deux décisions rendues à Dakar et à de N’Djamena que le gouvernement tchadien ne doit pas confondre. La première décision est celle qui condamne Hissein Habré à perpétuité avec une somme de 82 milliard à verser. La deuxième décision est celle de N’Djamena qui condamne les complices de Hissein Habré pour actes de tortures à faire la prison à vie et de verser une somme de 75 milliards aux victimes.
Les échanges ont tourné autour de la lenteur d’indemnisation et le manque de volonté du gouvernement tchadien. Il est prévu la mise sur pied d’une commission pour l’indemnisation des victimes conformément à la sentence de N’Djamena et la création d’un fonds fiduciaire par l’union africaine logé à N’Djamena pour la sentence de Dakar. Chose qui n’est pas faite cinq ans après obligeant les victimes à marcher à chaque fois.
Bienvenu Daldigué